Une analyse comparative entre les sexes devrait générer des engagements financiers pour la santé des femmes, l’aide au développement et des catalyseurs économiques comme les garderies. En dépit de quelques éléments notables, l’ensemble du budget ne répond pas aux besoins urgents.
En 1995, le Canada s’est engagé à l’égard du Programme d’action de Beijing – un engagement exigeant que le gouvernement procède à un exercice complet d’analyse comparative entre les sexes (ACS) concernant toutes les dépenses publiques. Deux ans plus tard, le gouvernement a procédé à sa première ACS du budget fédéral. C’est une première étape réjouissante, mais il reste à l’utiliser de façon qui priorise l’allocation des fonds pour promouvoir l’égalité des genres – ce qui fait encore défaut dans ce budget.
L’ACS démontre toutes les façons par lesquelles la collecte et l’utilisation des impôts ne sont jamais neutres au chapitre du genre. Si le gouvernement investit dans le logement subventionné, par exemple, nous pouvons utiliser l’ACS pour savoir exactement combien de femmes bénéficient de chaque dollar dépensé, et de quelle façon. Cela met en lumière comment la mise en œuvre de n’importe quel programme accroît ou corrige des inégalités croissantes entre les genres.
Étant donné que les demandes budgétaires formulées par Action Canada pour la santé et les droits sexuels, en ce qui concerne la sphère sexuelle et génésique, concernent positivement et de façon disproportionnée les femmes, nous avons procédé à un examen rapide du « Budget 2017 pour les femmes » du Canada : les bons aspects, les améliorations et les lacunes qui persistent.
BONS ASPECTS
Secrétariat LGBTQ2
Le Budget 2017 réserve 3,6 millions sur trois ans pour créer un Secrétariat de la communauté afin d’appuyer le Conseiller spécial du premier ministre sur les enjeux LGBTQ2. C’est une première étape vers des dépenses futures au service des besoins de communautés et individus queer, trans, intersexes et bispirituels qui soient sains et épanouis.
AMELIORATIONS
Stratégie nationale pour lutter contre la violence fondée sur le sexe
Prendre des mesures pour établir une Stratégie nationale pour lutter contre la violence fondée sur le sexe, cela mérite des applaudissements. Mais 100,9 millions $ sur cinq ans ne sont tout simplement pas suffisants. La violence à l’égard des femmes, au Canada, affecte beaucoup trop de femmes et de familles, et son coût annuel est estimé à 12 milliards de dollars. Les éléments systémiques qui engendrent la violence, comme le manque de logement abordable, sont laissés à eux-mêmes et ignorés depuis si longtemps que la violence fondée sur le sexe est considérée comme une crise continuelle, en particulier pour les femmes autochtones. Toute Stratégie nationale doit porter le potentiel de corriger des années de manque chronique de financement. Les organismes et intervenants en lutte intersectionnelle contre la violence à l’égard des femmes lancent déjà la mise en garde que 100,9 millions $ constituent une somme lacunaire.
La garde d’enfants
La garde d’enfants constituent une catégorie budgétaire, cette année, mais l’engagement n’est pas à la hauteur de ce qui est nécessaire à des changements significatifs. Le budget 2017 propose d’investir 7 milliards $ sur dix ans pour bâtir un système de garde d’enfants qui soit accessible et abordable, au Canada; mais le Canada figure parmi les pires pays de l’OCDE en ce qui concerne les coûts de garderie; et les parents canadiens dépensent un quart de leur revenu en garde d’enfants. L’allocation du budget fédéral est trop mince dans les premières années pour pouvoir financer une amélioration sérieuse de l’accessibilité et de l’abordabilité de soins de qualité. Des services de garde d’enfants abordables et universels sont un engagement à la justice génésique que nous aimerions voir, au Canada.
LACUNES QUI PERSISTENT
Aide internationale
Une des plus grandes déceptions du budget fédéral de cette année est l’absence de toute augmentation de l’aide internationale officielle du Canada pour le développement. Le Canada est tenu d’atteindre un objectif de verser 0,7 % de son revenu national brut en aide au développement – et il accuse un retard sur d’autres pays de l’OCDE et ses partenaires du G7. Dans un climat d’instabilité intensifié par le rétablissement par Donald Trump de la règle du bâillon international et des déportations massives, il est de plus en plus important que le Canada tienne promesse et soit un leader de la lutte contre l’inégalité mondiale. La récente annonce du Canada de son investissement de 650 millions $ en santé et droits sexuels et génésiques est louable, mais le fait que le budget 2017 soit dépourvu d’engagement financier à l’aide internationale est profondément troublant.
Accès à l’avortement
La ministre canadienne de la Santé a reconnu que l’accès inégal à l’avortement est un problème majeur au Canada; or le budget de 2017 n’apporte rien pour tenter de régler le problème. Si ce gouvernement a une volonté sérieuse de s’engager à un avenir féministe qui inclut la santé sexuelle et génésique, il faut à la fois une stratégie et du financement dans les domaines où l’inégalité persiste.
Sans couverture des coûts, le choix n’existe pas. Santé Canada a récemment approuvé la pilule étalon or (Mifegymiso) pour usage au Canada. Le médicament a le potentiel d’améliorer radicalement l’accès à l’avortement dans les régions mal servies, mais son prix d’environ 400 $ le rend hors de portée pour plusieurs.
Travail du sexe
Après l’Élection de 2015, le gouvernement Trudeau a reconnu que la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation est une loi problématique qui ne correspond pas aux droits en vertu de la Charte, tel qu’établi par la Cour suprême du Canada. Depuis, le gouvernement n’a toutefois entrepris aucune démarche pour abroger cette loi qui met la santé et la vie des travailleuse(-eur)s du sexe à risque.
En plus d’une abrogation, un financement dédié à l’implication significative des travailleuse(-eur)s du sexe ainsi que de militants et d’organismes dans ce domaine, pour appuyer leurs efforts propices à une réforme de la loi sur le travail du sexe, est nécessaire.
Stratégie nationale pour une assurance médicaments
L’absence de leadership fédéral et de ressources investies en soins de santé crée des inégalités et de piètres résultats dans les domaines des soins de santé, à l’échelle du pays. L’incidence d’infections transmissibles sexuellement est à la hausse, et les obstacles à l’avortement et à la contraception persistent dans les régions rurales et éloignées.
Le Canada est le seul pays doté d’un système public de soins de santé mais dépourvu de plan d’assurance médicaments. Une Stratégie nationale pour une assurance médicaments garantirait l’accès à une gamme complète de médicaments, d’instruments médicaux et de soutien approprié, qui sont des éléments cruciaux pour la réalisation complète des droits sexuels et génésiques des individus.