Document de l’Atlas des politiques canadiennes sur la contraception

Les arguments en faveur de la contraception gratuite

L’accès universel à la contraception procure aux individus l’autonomie nécessaire pour faire des choix éclairés concernant leur santé et leur vie. Il permet aux personnes qui peuvent devenir enceintes de planifier si elles le seront, et quand, ce qui offre des avantages immédiats et se prolongeant durant toute la vie et d’une génération à l’autre. Mise à part la question de la grossesse, l’accès universel à la contraception habilite également les individus à gérer un large éventail de conditions liées à la santé génésique. Lorsqu’une personne jouit de l’accès à la contraception, elle peut poursuivre ses études et saisir des occasions d’emploi. Cet accès contribue à l’égalité des genres, favorise l’autogestion de la santé génésique et permet à chaque personne de décider si elle souhaite agrandir sa famille, et à quel moment, en tenant compte de sa situation particulière. Les grossesses planifiées réduisent les taux de mortalité maternelle et infantile[MD1]  ainsi que les coûts de santé associés aux grossesses non planifiées, et conduisent même à des économies pour l’ensemble du système de santé pour chaque dollar investi dans la contraception.[MD2]  Un meilleur accès à la contraception est un catalyseur d’améliorations : individus en meilleure santé, familles plus fortes et sociétés plus équitables.

La possibilité de choisir d’avoir des enfants ou non, et à quel moment, est un élément essentiel de la santé sexuelle et génésique ainsi qu’un droit fondamental de chaque personne. Chaque personne a le droit de choisir la contraception qui lui convient, peu importe qui elle est, le nombre d’enfants qu’elle a, son âge, son statut en matière de handicap ou son solde en banque.[1][MD3]  Pour assurer la réalisation de ce droit, le Canada doit faire en sorte que la contraception soit disponible, accessible, acceptable et de bonne qualité, sans discrimination. La couverture universelle des coûts de la contraception est une étape majeure vers la réalisation du droit à la santé sexuelle et génésique.

La situation au Canada

L’Atlas des politiques canadiennes sur la contraception classe les provinces de la meilleure à la pire performance globale, en fonction d’une évaluation des politiques gouvernementales en vigueur pour soutenir l’accès aux fournitures contraceptives et à l’information sur la contraception. Comme l’indiquait l’an dernier l’Atlas de la contraception[DO4] , l’accès aux contraceptifs au Canada dépend fortement de la province dans laquelle on vit. De tous les pays dotés d’une couverture universelle des soins de santé, le Canada demeure le seul qui n’offre pas également une couverture pour les médicaments d’ordonnance, y compris les contraceptifs, et cette absence de couverture entraîne des coûts élevés.[2] Chaque province définit qui est admissible aux prestations pharmaceutiques dans le cadre de son propre programme de médicaments. En outre, les provinces définissent individuellement les conditions d’accès à des produits particuliers et la fréquence à laquelle on peut y avoir accès. Cela laisse des écarts importants dans la couverture à l’échelle du Canada[MD5]  : le niveau de couverture dépend de la région où l’on vit. [DO6] 

Près de la moitié des grossesses au Canada ne sont pas intentionnelles et un grand nombre de Canadien·ne·s continuent d’utiliser une gamme limitée de méthodes contraceptives; les trois méthodes les plus utilisées comptent parmi les moins chères à l’achat (condoms, contraception orale et retrait pré-éjaculation).[3] Moins de 5 % des personnes de 15 à 24 ans déclarent utiliser une méthode contraceptive du niveau d’efficacité le plus élevé, comme le dispositif intra-utérin (DIU) ou l’implant contraceptif sous-cutané[DO7] [IM8] [4]. Cela est probablement attribuable à plusieurs obstacles à l’accès, y compris un manque de sensibilisation, des préoccupations liées à la désinformation ou à des « mythes », la capacité d’accéder à un·e praticien·ne des soins de santé autorisé·e à prescrire, de même qu’à des obstacles financiers globaux. Ainsi, les personnes défavorisées sur le plan socioéconomique sont souvent contraintes de choisir les options contraceptives les moins chères. [MD9] 

Tous les contraceptifs visent à prévenir les grossesses, mais le degré d’efficacité varie de l’un à l’autre et les formes les plus efficaces sont aussi les plus coûteuses. La meilleure forme de contraception pour une personne est celle qui fonctionne le mieux pour elle, et pas nécessairement celle qui est la moins coûteuse.[DO10]  Un dispositif intra-utérin (DIU) peut coûter entre 75 et 400 dollars, les pilules contraceptives orales peuvent coûter 20 dollars par mois (soit 240 dollars par an) et les injections d’hormones peuvent coûter jusqu’à 180 dollars par an. Ces coûts peuvent obliger des personnes à faire des choix contraceptifs en fonction du seul critère du coût.[DO11]  De nombreux centres de santé sexuelle comblent des lacunes en matière de soins contraceptifs pour les communautés qu’ils desservent en offrant des programmes de contraception peu coûteux ou gratuits, mais ceux-ci manquent souvent de ressources et ont du mal à répondre à la demande. De plus, ces services sont situés principalement dans les centres urbains, ce qui signifie également que les patient·e·s qui vivent loin des grandes villes doivent parcourir de longues distances et s’absenter de leur travail pour se rendre à des rendez-vous loin de leur lieu de résidence. Dans les faits, cela signifie que le coût financier et concret de l’accès à des médicaments à faible prix ou de la pose d’un DIU rend difficile l’accès aux formes de contraception les plus efficaces pour de nombreuses personnes. Un programme national d’assurance médicaments éliminerait l’obstacle du coût et rapprocherait l’accès aux médicaments du lieu de résidence, ce qui permettrait aux gens de vraiment faire leurs propres choix en matière de contraception. [DO12] 

Évolution de la couverture de la contraception


Comme l’année dernière, cette mise à jour de l’Atlas de la contraception examine cinq (5) critères et quinze (15) sous-critères, en mettant en relief les mises à jour des politiques de couverture des coûts, du champ d’application des prescripteur·trice·s, des informations fournies par le gouvernement et de l’éducation offerte au public au sujet de la contraception.

Des efforts ont été déployés récemment pour accroître l’accès à la contraception, tant au palier fédéral que provincial. En 2023, le gouvernement de la Colombie-Britannique a annoncé la gratuité de la contraception sur ordonnance (pilule contraceptive orale, implant, injection, DIU au cuivre et à libération d’hormones, et contraception d’urgence au lévonorgestrel, à la seule exclusion des timbres et anneaux contraceptifs), faisant de la C.-B. la première province à offrir une couverture universelle en matière de contraception. Depuis, le site Internet de l’autorité sanitaire provinciale (HealthLinkBC) a également été mis à jour pour inclure des informations sur les mythes relatifs à la sexualité et à la grossesse. Les sites Web officiels des gouvernements provinciaux ou territoriaux et des autorités de santé publique sont généralement le premier point de contact des gens pour obtenir des informations fiables, car ils sont considérés comme des sources dignes de confiance et impartiales. En tant que tels, les gouvernements et autorités de santé publique ont la responsabilité non seulement de fournir des informations légitimes et exactes sur la contraception et les choix contraceptifs qui s’offrent aux gens, mais aussi de démystifier les informations trompeuses. Cet ajout à la page santé de la Colombie-Britannique est une étape très importante pour lutter contre la croissance continue de la mésinformation et de la désinformation sur la santé sexuelle et génésique. [DO13] 

L’Ontario est une autre province qui a introduit des changements pour améliorer l’accès à la contraception. En mai 2024, son gouvernement a étendu aux sages-femmes l’autorisation de prescrire des contraceptifs en vertu de la nouvelle réglementation sur les médicaments et substances désignées.[MD14]  Permettre à des prestataires de soins de santé d’autres disciplines de prescrire des contraceptifs, en offrant une formation axée sur les compétences et en élargissant la portée de l’autorisation d’exercice de leur profession, est un moyen efficace d’améliorer l’accès.

D’autres annonces d’améliorations de l’accès aux contraceptifs ont été faites, mais comme elles n’ont pas encore été mises en œuvre, elles n’ont pas été incluses dans la notation de la version de cette année de l’Atlas de la contraception.[DO15]  La province du Manitoba a notamment annoncé la couverture de la contraception sur ordonnance à partir d’octobre 2024. Une fois mise en œuvre, cette mesure augmentera considérablement le classement du Manitoba, qui passerait de l’une des provinces ayant le plus faible accès à la contraception à l’une des provinces offrant le meilleur accès, derrière la Colombie-Britannique, le Québec et l’Ontario. La Colombie-Britannique a également annoncé son intention d’inclure l’hormonothérapie substitutive dans son programme provincial d’assurance médicaments. Bien que cette mesure ne soit pas prise en compte dans les paramètres de l’Atlas, il s’agit d’une étape importante dans l’amélioration de l’accès à la santé sexuelle et génésique en général.

Le gouvernement fédéral a également annoncé son intention d’établir un programme national d’assurance médicaments, en commençant par la couverture de la contraception et des médicaments contre le diabète. Présenté à la Chambre des communes en février 2024, le Projet de loi C-64, « Loi concernant l’assurance médicaments », permettrait au gouvernement fédéral de créer des accords avec les provinces pour assurer la couverture des coûts de la contraception et des médicaments contre le diabète inclus dans sa liste de médicaments approuvés, et cela pour l’ensemble de la population plutôt que dans le cadre de programmes compassionnels sélectionnés, comme Assurance-santé Plus (OHIP+) en Ontario, comme c’est le cas dans de nombreuses provinces aujourd’hui.[DO16]  En septembre 2024, le projet de loi est encore actuellement à l’étude au Sénat et n’a pas encore reçu la sanction royale. S’il est adopté, ce projet de loi fera en sorte qu’un plus grand nombre de Canadien·ne·s auront la possibilité de choisir la méthode de contraception qu’ils/elles préfèrent, sans égard au coût. Cela accroîtrait l’autonomie corporelle des Canadien·ne·s et leur permettrait de planifier leur famille comme ils et elles l’entendent. Cela entraînerait des économies pour l’ensemble du pays, car des études ont montré que chaque dollar investi dans l’accès à la contraception permettrait de réaliser neuf dollars d’économies à long terme.[5][DO17]  Cela signifierait en outre que les différences d’accès que nous observons actuellement dans l’Atlas, à travers le pays, seraient considérablement réduites dans les versions futures et que nous ne verrions pas de grandes disparités d’une province à l’autre comme c’est le cas aujourd’hui. Si ce projet de loi est adopté, 75 % du pays sera classé comme offrant un très bon accès à la contraception.[DO18] 

Observations finales

La couverture des coûts des contraceptifs dans l’ensemble du Canada contribuerait grandement à améliorer l’accès à la contraception, mais ce n’est pas le seul obstacle actuel à cet accès. Si c’était le cas, toutes les provinces auraient le même classement dans l’Atlas.[DO19]  L’Atlas met en évidence certains obstacles – notamment les difficultés d’accès à des prestataires de soins de santé qui peuvent prescrire la contraception, le manque d’informations claires sur les choix en matière de contraception et la montée de la désinformation, pour n’en nommer que quelques-uns. Ces obstacles ne touchent pas de la même façon toutes les personnes vivant au Canada, et affectent en fait de façon disproportionnée celles qui sont confrontées à une marginalisation enracinée dans le racisme systémique, le classisme, le capacitisme et l’hétérosexisme.[6][DO20] 

L’accès universel à la contraception est un progrès énorme pour réduire les lacunes qui s’observent actuellement dans l’accès, au pays, mais ce n’est qu’une première étape. Un régime national d’assurance médicaments complet doit couvrir l’ensemble des médicaments essentiels, au fil du temps. Une approche complète aux soins en matière de contraception inclut de renforcer l’éducation à la santé sexuelle, d’accroître l’accès aux méthodes barrières et d’améliorer l’information afin que chaque personne puisse faire des choix consensuels et éclairés en ce qui concerne sa fertilité.

 


[1] Organisation mondiale de la Santé. (2014). Framework for ensuring human rights in the provision of contraceptive information and services. Genève : Organisation mondiale de la Santé. En ligne à https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/133327/9789241507745_eng.pdf

[2] The Lancet. Éditorial (19 oct. 2019). « Canada needs universal pharmacare ». The Lancet, 394(10207), 1388. En ligne à https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(19)32324-4/fulltext.

[3] Vogel, L. (juill. 2017). « Canadian women opting for less effective birth control ». Journal de l’Association médicale canadienne, 921-922. En ligne à https://www.cmaj.ca/content/189/27/e921.

[4] Rotterman M, McKay A. « Comportements sexuels et utilisation du condom et d’autres méthodes de contraception chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans au Canada ». 2020. Statistique Canada. En ligne à https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/82-003-x/2020009/article/00001-fra.htm.

[5] Black, A. Y., Guilbert, E., Hassan, F., Chatziheofilou, I., Lowin, J., Jeddi, M., Filonenko, A., Trussell, J. (déc. 2015). « The Cost of Unintended Pregnancies in Canada: Estimating Direct Cost, Role of Imperfect Adherence, and the Potential Impact of Increased Use of Long-Acting Reversible Contraceptives ». Journal d’obstétrique et gynécologie du Canada, 1086-1097. [Abrégé en français est en ligne à https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26637081.]

[6] Mahabir, D.F., O’Campo, P., Lofters, A. et coll. « Experiences of everyday racism in Toronto’s health care system : a concept mapping study ». Int J Equity Health 20, 74 (2021). https://doi.org/10.1186/s12939-021-01410-9.

 

Canadian Contraception Policy Atlas
Mis à jour le 2024-11-13
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