Sandeep Prasad, Julie Delahanty
Version anglaise d’abord paru dans Embassy
Publié: Jeudi, 16/04/2015 15:50 EDT
Mise à jour: Jeudi, 04/16/2015 18:11 EDT
Un budget oblige à faire des choix parfois difficiles qui privilégient ce que nous pouvons nous permettre. À l’heure du budget équilibré du gouvernement fédéral, demandons-nous si nous pouvons nous permettre nos choix, comme Canadiens et comme citoyens du monde.
Pouvons-nous nous permettre un Canada où les frais de garde coûtent plus cher que les frais universitaires, un pays qui est tombé au 23e rang de l’Indice d’inégalités de genre des Nations Unies et où le taux de pauvreté ne cesse d’augmenter en causant toujours plus de maladies physiques et mentales? Pouvons-nous nous permettre de faire chuter notre aide internationale au développement à un creux historique?
Non. Nous ne pouvons pas nous permettre ces inégalités sans cesse croissantes.
Prenons l’exemple des soins de santé. La part du secteur public canadien dans ce domaine a baissé de plus de cinq pour cent depuis 1985 et c’est maintenant au secteur privé qu’il revient d’offrir des services qu’assuraient jadis les hôpitaux. Partout dans le monde, ce sont les femmes et les filles qui écopent lorsque les soins de santé sont payants. Pourtant, ici au Canada, nous continuons de privatiser nos soins de santé et d’en faire souffrir les femmes.
Les disparités croissantes au niveau des revenus et les compressions soutenues dans les services sociaux compromettent la santé des Canadiens, surtout en matière de santé sexuelle et génésique. Les infections transmises sexuellement sont en hausse constante depuis la fin des années 1990, notamment pour ce qui est de la chlamydia, de la gonorrhée et de la syphilis. Les jeunes autochtones sont dix fois plus touchés par le VIH que le reste de la population. Quant aux femmes vivant en milieu rural ou défavorisé, elles ont de plus en plus de difficulté à obtenir des services d’avortement, offerts dans seulement le sixième des hôpitaux du pays, principalement situés en zone urbaine à moins de 150 km de la frontière américaine.
Les femmes ayant fui leur pays pour venir au Canada souffrent également des récentes coupes aux soins de santé essentiels offerts aux personnes réfugiées. Ces femmes peuvent maintenant se voir refuser des soins contraceptifs, prénataux et obstétricaux, ainsi que des services de dépistage du cancer ou de l’aide en cas de violence conjugale.
Sur la scène mondiale, le gouvernement fédéral canadien se pose en grand défenseur de la santé des mères, des enfants et des nouveau-nés depuis le lancement de son Initiative de Muskoka en 2010, que nous félicitons. Pourtant, peu d’argent a jusqu’ici été consacré à la santé génésique et à la planification familiale. En une seule année, le gouvernement britannique a dépensé à ce chapitre plus du double de ce que le Canada y a consacré en quatre ans, soit à peine 1,2 % des sommes versées.
Le sous-financement de l’ensemble des réseaux de santé publique de la planète alimente les inégalités puisque, chaque année, cent millions de personnes sont acculées à la pauvreté du seul fait du coût élevé des soins de santé. Ce sous-financement, particulièrement au chapitre de la santé sexuelle et génésique, empêche également les pays d’améliorer le sort des femmes, privées de soins tout en étant forcées de s’occuper de leurs proches au risque de leur propre santé.
Au Canada, nous avons raison de tenir à notre système de santé publique. Le budget fédéral devrait augmenter la contribution annuelle d’Ottawa au lieu de continuer à l’amoindrir comme prévu. Le gouvernement fédéral doit se reprendre en main et investir davantage dans un Canada qui serait en meilleure santé et plus équitable envers tous ses citoyens.
Le temps est aussi venu de respecter notre promesse de promouvoir la santé maternelle dans les pays les plus défavorisés de la planète. Pour cela, nous devrons consacrer davantage des sommes versées en vertu de l’Initiative de Muskoka à une offre complète de services de santé sexuelle et génésique, et recommencer à financer les avortements médicaux dans le cadre de notre aide internationale : la vie de nombreuses femmes de partout au monde en dépend.
Nous souffrons tous de ces disparités croissantes : reculs dans l’atteinte de l’égalité des genres, mobilité sociale réduite, avenir moins prometteur pour nos enfants. Pour mettre fin à ces disparités et à la pauvreté, pour accroître notre prospérité commune, il est impératif d’investir dans des services essentiels comme des soins de santé de qualité et gratuits, tant au Canada qu’à l’étranger.
Nous devons nous le permettre.