Version anglaise d’abord paru dans Huffington Post
Le 28 septembre de chaque année, des militants et militantes se mobilisent, aux quatre coins du monde, pour l’accès à l’avortement légal et sécuritaire. Le thème, cette année, est de déboulonner les mythes afin de combattre la stigmatisation et la discrimination.
Le stigmate associé à l’avortement est alimenté par des mythes. À cause de ces mythes, des soins et services sécuritaires, légaux et accessibles sont hors de portée, pour des personnes, dans le monde, et l’information fondée sur des données probantes, sans préjugés, n’est pas accessible à des personnes qui examinent les choix possibles afin de déterminer celui qui leur convient.
Les mythes sont divers en taille et en ampleur. Quel est le plus grand mythe au sujet de l’avortement, au Canada? C’est la croyance selon laquelle l’avortement est facile d’accès.
L’avortement est légal, au Canada, depuis plus de 30 ans. Aucune loi criminelle canadienne ne limite l’accès à l’avortement ou aux soins post-avortement; de plus, il est reconnu comme étant une intervention médicale essentielle qui doit être pleinement accessible et couverte par les régimes d’assurance maladie des provinces et territoires, en vertu de la Loi canadienne sur la santé. Ainsi, plusieurs de mes amis et collègues, au Canada et à l’étranger, sont étonnés lorsqu’ils constatent qu’en effet il y existe de nombreux obstacles.
Le manque d’accès à des services sécuritaires d’avortement est un obstacle qui persiste, pour les personnes qui décident de mettre fin à une grossesse – en particulier si elles vivent en milieu rural ou en région éloignée. Seulement un hôpital sur six offre des services d’avortement, au Canada, et la majorité d’entre eux ne sont pas adéquatement répartis à l’échelle du pays, tout comme les cliniques autonomes en matière de santé sexuelle, et sont principalement situés dans des centres urbains. Il n’existe aucun service d’avortement dans la province de l’Île-du-Prince-Édouard et seulement quatre établissements desservent le million de kilomètres carrés de superficie du Nunavut, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest.
À la rareté des services offerts dans les cliniques et hôpitaux de plusieurs régions du pays, s’ajoutent d’autres obstacles, associés à la nécessité de parcourir de longues distances ou de se rendre dans une autre province, aux listes d’attente, à l’âge, aux ressources financières, au statut d’immigration ainsi qu’aux médecins qui invoquent des clauses d’objection de conscience. Seuls l’Ontario et la Saskatchewan ont adopté, récemment, des politiques pour faire en sorte que les médecins qui refusent des services à des patients en raison de croyances religieuses ou personnelles soient tenus d’offrir une référence à un médecin capable de prendre la relève – ce qui revêt une pertinence particulière lorsqu’il s’agit d’avortement, vu l’importance du moment de l’intervention et le manque de praticiens.
Lorsqu’il n’y a pas de professionnel à proximité pour pratiquer un avortement, des dépenses imprévues entrent en jeu – transport, logement, perte de revenu, frais de garde d’enfant, soins à un proche aîné, et possiblement des coûts pour l’intervention (les cliniques ne font pas partie des ententes interprovinciales en matière de facturation, et celles-ci pratiquent une bonne partie des avortements, au Canada). Ainsi, même si l’avortement est en théorie disponible au Canada comme toute intervention médicale nécessaire, plusieurs obstacles en rendent l’accessibilité inégale et inéquitable, ce qui affecte de façon disproportionnée des Canadiens à faible revenu.
De plus, certaines personnes qui tentent de mettre fin à leur grossesse se voient bombardées de mythes anti-choix, venant de services en lesquels ils ont pourtant confiance. Une récente étude, de l’Université d’Ottawa, a conclu que des centres d’assistance aux femmes vivant une grossesse non planifiée (principalement en Ontario) fournissent des informations médicalement inexactes et un counseling empreint de jugements, et véhiculent un opprobre qui contribue à stigmatiser l’avortement – un obstacle considérable qui est encore plus marqué pour les personnes de communautés racialisées ou autrement marginalisées.
Quel rôle incombe au gouvernement?
Le droit à la santé nécessite que les gouvernements assurent la disponibilité, l’accessibilité, l’acceptabilité et la qualité des services complets et intégrés de santé sexuelle et génésique ainsi que de l’information en la matière, y compris l’avortement, et qu’ils abolissent tout obstacle à l’accès à de tels services. En pleine campagne électorale fédérale, nos leaders ont l’occasion de présenter leurs plans et de s’engager à leurs promesses. Certains ont déjà commencé à signaler les disparités d’accès entre provinces et à affirmer leur volonté d’appliquer la Loi canadienne sur la santé, en retenant les paiements de transferts aux provinces qui ne la respectent pas, mais nous avons besoin d’action réelle.
Bref, nous avons besoin d’un réel accès sans obstacle aux services d’avortement pour toutes les personnes, d’un océan à l’autre.