Par Sandeep Prasad
Version anglaise d’abord paru dans Ricochet
Les campagnes électorales présentent aux candidats et à leurs partis une occasion idéale d’être à l’écoute de la population canadienne. Mais nous n’entendons parler que d’économie, de sécurité et d’énergie, passant souvent sous silence la santé sexuelle et reproductive, un enjeu qui touche pourtant chacun d’entre nous.
Les partis politiques vous diront que c’est un champ de compétence provincial. Cependant, le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer puisqu’il est responsable de l’uniformité des normes de santé à travers le pays, et qu’il a un pouvoir de dépense en la matière.
En effet, les provinces ne peuvent recevoir l’argent du fédéral que si elles respectent les exigences de la Loi canadienne sur la santé, dont celle d’offrir à toute personne assurée la totalité des soins hospitaliers et médicaux requis, y compris en matière de santé sexuelle et reproductive. Le Canada a beau être réputé pour son régime médical universel, nos dirigeants n’ont pas renouvelé l’an dernier l’Accord sur la santé de 2004. Cet échec, combiné aux compressions prévues dans les transferts fédéraux en santé, provoquera l’émergence de 14 systèmes différents de soins de santé où votre adresse et vos moyens financiers détermineront les servicesauxquels vous aurez droit. Par ailleurs, il n’existe pas de régime pancanadien d’assurance médicaments, ce qui oblige de nombreuses personnes à payer elles-mêmes leurs contraceptifs, et l’accès à certains services médicaux essentiels tel l’avortement se heurte à de nombreux obstacles.
Pareils obstacles posent de graves problèmes à qui souhaite mettre fin à une grossesse, particulièrement si cette personne vit en région rurale ou éloignée. À peine un sixième des hôpitaux du pays offrent des services d’avortement, la plupart étant dans les grands centres un peu partout au Canada, tout comme les cliniques de santé sexuelle. Aucun service d’avortement n’est disponible à l’Île-du-Prince-Édouard, et seuls quatre établissements desservent le million de kilomètres carrés formé par le Nunavut, les Territoires-du-Nord-Ouest et le Yukon. À cette offre limitée se conjuguent d’autres obstacles à l’accessibilité : listes d’attente, âge, moyens financiers, statut de migrant, ou refus d’un médecin d’offrir le service demandé pour des motifs moraux ou religieux.
Pour contrer ces problèmes d’accès, le gouvernement fédéral a le pouvoir de retenir le versement de ses transferts aux provinces ou territoires qui n’assurent pas la disponibilité et l’accessibilité des services demandés, et celui de lancer un processus de règlement des différends. Tant la campagne Place au débat que le débat de l’Institut Munk ont permis aux partis politiques de traiter de ce sujet pendant la campagne; pourtant, seuls deux des partis fédéraux se sont engagés à faire pleinement appliquer la Loi canadienne sur la santé. Au même titre que les soins de santé, le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans la santé sexuelle et reproductive des jeunes : l’élaboration de normes permettant aux provinces d’instaurer leurs propres programmes d’éducation sexuelle, éducation qui doit être cohérente d’un bout à l’autre du pays et qui doit aller au-delà des simples questions physiques. Cette éducation sexuelle complète permettrait aux jeunes de vivre une sexualité épanouie et libre de tout stigmate ou stéréotype, y compris en matière de genre.
Pour l’instant cependant, l’éducation sexuelle offerte au Canada varie dans sa nature et son efficacité, perpétuant ainsi la discrimination et les stigmates fondés sur la sexualité, ainsi que le manque flagrant de connaissances de nos jeunes sur leur sexualité. Plus du quart des nouvelles infections au VIH recensées en 2010 l’étaient chez les jeunes, ainsi qu’une nette majorité d’ITS : 81 % des nouveaux cas de chlamydia, 67 % de gonorrhée, et 27 % de syphilis infectieuse.
Le gouvernement fédéral pourrait s’inspirer de certains succès provinciaux (dont le nouveau programme d’éducation sexuelle de l’Ontario) pour moderniser les Lignes directrices canadiennes pour l’éducation en matière de santé sexuelle de l’Agence de la santé publique du Canada, assurer un suivi des acheter viagra en ligne indicateurs de santé sexuelle et monter des campagnes de sensibilisation qui reflètent la réalité actuelle.
Le gouvernement fédéral peut aussi légiférer et ainsi grandement améliorer la santé de la population canadienne. De nouvelles lois pourraient ajouter l’identité réelle ou perçue de genre et l’expression de genre à la liste des motifs interdits de discrimination en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, et pénaliser dans le Code criminel l’incitation directe ou tacite à la haine sur la foi de ces mêmes motifs. Pareilles lois amélioreraient incommensurablement la vie de nombreuses personnes, protégeant par exemple les jeunes transgenres du harcèlement verbal que près des trois quarts d’entre eux subissent à l’école et de la violence physique dont près du tiers fait état.
Il faut aussi en faire autant pour les travailleuses et travailleurs du sexe. En 2013, la Cour suprême du Canada a invalidé sans équivoque certaines dispositions du Code criminel jugées contraires aux intérêts des travailleuses et travailleurs du sexe. Pourtant, au lieu d’élaborer de nouvelles mesures mieux adaptées, le gouvernement fédéral a proposé un texte législatif très comparable à celui rejeté par le tribunal, acculant les travailleuses et travailleurs du sexe à des conditions et des zones de travail dangereuses tout en les privant de mécanismes de protection de leur santé, de leur sécurité, de leur droit à l’égalité et de leurs autres droits fondamentaux. Le gouvernement fédéral doit donc abroger ces dispositions du Code criminel pour respecter ces droits fondamentaux. En outre, le gouvernement doit instaurer des mesures législatives permettant d’améliorer la sécurité des travailleuses et travailleurs du sexe et d’aider ces personnes à changer de métier.
Ce qui précède n’est qu’un aperçu des gestes que doit poser le gouvernement fédéral. En effet, il reste encore bien d’autres enjeux à régler, dont l’accessibilité des programmes d’aide à la famille et à la garde d’enfants, les politiques d’immigration et le profilage ciblé des communautés racialisées. Ces autres questions influencent toutes la façon dont une personne peut jouir de ses droits sexuels et reproductifs et avoir accès aux services et à l’information de qualité dont elle a besoin pour ce faire.
Le gouvernement fédéral doit agir en matière de santé sexuelle et reproductive, tant au sein qu’à l’extérieur de ses frontières. Au Canada, il doit notamment traiter de tous ces liens entre les divers enjeux. À l’étranger, il doit offrir une aide internationale et appliquer une politique étrangère favorables aux droits sexuels et reproductifs et qui acceptent enfin de subventionner les services d’avortement.
Il n’est pas toujours facile de convaincre nos candidats de s’intéresser à nos droits fondamentaux. Mais c’est maintenant ou jamais. Le gouvernement du Canada doit agir sur ces questions s’il veut respecter ses obligations liées aux droits de la personne. Les prochains jours, faites les premiers pas en posant vos questions aux candidats lors d’assemblées locales, en demandant à vos élus ce qu’ils pensent de ces enjeux, et en luttant pour les droits de la personne.