Article initialement publié dans le Huffington Post
Après des décennies d’activisme, les droits trans commencent à obtenir la reconnaissance qu’ils nécessitent. Plus que jamais, les personnes trans et leurs droits sont représentés dans les médias et à l’ONU; nos voisins du sud viennent d’adresser des directives aux écoles, reconnaissant le droit d’accès à des salles de toilette qui concordent avec l’identité de genre; et à l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, notre gouvernement fédéral a déposé un projet de loi interdisant la discrimination fondée sur l’identité de genre et l’expression de genre.
Un tel projet de loi sur l’identité et l’expression de genre était attendu depuis longtemps; sept autres initiatives législatives avaient été déposés en ce sens. Mais voici où il y a matière à se réjouir : pour la première fois, c’est le gouvernement qui propose le projet de loi. Contrairement aux projets de loi d’initiative parlementaire antérieurs, celui-ci a de bien meilleures chances d’être adopté.
Tous les individus ont droit à la protection de leurs droits humains, mais les personnes qui ont une identité et une expression non conformes de genre (qui pourraient ne pas cadrer avec le construit social binaire du genre) ont un risque accru de stigmatisation, de discrimination et de violence.
En 2011, une enquête nationale a révélé que plus des trois quarts des jeunes transgenres avaient été la cible de harcèlement verbal à l’école, et le tiers d’entre eux déclaraient de la violence physique. Plus tôt ce mois-ci, un incendie suspect a ravagé la seule clinique au Canada offrant la réassignation sexuelle chirurgicale. Sans compter que les personnes trans de couleur et les travailleuse(-eur)s du sexe trans sont encore plus vulnérables à la discrimination et à la violence.
Les droits trans enchâssés dans la loi feront en sorte que les actes criminels au motif de l’identité de genre ou de l’expression de genre seront considérés comme des crimes haineux et que les employés et utilisateurs de services du gouvernement fédéral, des gouvernements des Premières Nations ou d’entreprises privées régies par le gouvernement fédéral (c.-à-d. les banques, compagnies de camionnage, radiodiffuseurs et compagnies de télécommunications) seront à présent protégés contre la discrimination fondée sur l’identité et l’expression de genre.
Bien qu’un certain nombre de provinces aient déjà ajouté l’identité sexuelle et son expression comme étant des motifs interdits de discrimination, ce projet de loi viendra répondre à certaines lacunes. Les lois provinciales offrent une protection aux nombreuses personnes trans qui rencontrent des traitements injustes lorsqu’il s’agit de logement, d’emploi, de contrats, de soins de santé et d’éducation, pour nommer quelques domaines. Mais les provinces et territoires ne garantissent pas tous les mêmes protections. Le leadership fédéral est une étape importante pour garantir les droits de la personne de tous les individus, aux quatre coins du pays.
Ce projet de loi permettrait bien des progrès vers des protections égales pour toutes les personnes trans du Canada, et pourrait être un exemple prometteur à suivre pour les provinces et territoires qui n’ont pas encore adopté de protections semblables.
Il s’agit d’un excellent premier pas, mais précisons que nous n’en sommes pas encore à l’égalité des droits. Le gouvernement a encore du chemin à parcourir avant que les personnes trans et les personnes de diverses identités et expressions de genre, au Canada, aient réellement la possibilité d’exercer tout l’éventail de leurs droits de la personne et de les revendiquer tous.
Les besoins des personnes trans et des personnes qui ont une identité et une expression non conformes de genre sont souvent marginalisés ou carrément laissés pour compte, dans la planification des lois, politiques et programmes. La non-réponse à leurs besoins a entraîné des obstacles continus dans l’accès à des services sans crainte de préjugés ou de discrimination et dans les recours juridiques en situation de violation de droits. Par exemple, plusieurs personnes trans, au Canada, doivent encore montrer une preuve de chirurgie de confirmation du genre ou d’autre traitement médical, pour pouvoir faire changer leur nom et/ou la mention de leur genre dans des documents officiels. Et il manque encore un troisième marqueur de genre dans les formulaires gouvernementaux, recensements et autres types de collecte de données.
Il est vital d’élargir la protection contre les crimes haineux afin d’y inclure l’identité et l’expression de genre, mais ceci doit s’accompagner de meilleures mesures de soutien de l’accès des personnes trans à des services publics comme le système judiciaire et celui des soins de santé, et il faut également investir dans l’amélioration de la collecte des données afin de rehausser les politiques.
Par ailleurs, la discrimination à l’égard des personnes trans est reliée à tant d’autres politiques et services publics auxquels il faut voir également. Un accès sans obstacle aux soins de santé et au logement, une éducation sexuelle inclusive des personnes trans, de même que la décriminalisation du travail du sexe, seraient de grandes contributions au soutien des droits des personnes trans.
Le gouvernement a encore bien des étapes à franchir. Nous venons d’en donner quelques exemples parmi tant d’autres. Le plus important, toutefois, quels que soient les prochains programmes, lois et politiques à venir, c’est que la participation des personnes de diverses identités et expressions de genre ainsi que leurs organismes alliés soit incluse de façon significative et véritable dans leur conception, leur développement et leur mise en œuvre.