Article initialement publié dans le Huffington Post
Il a fallu une poursuite en Cour suprême, en 2016, pour que l’Île-du-Prince-Édouard offre enfin des services d’avortement. La Nouvelle-Écosse aurait intérêt à tirer des leçons de l’Île et à passer à l’action pour abolir les restrictions injustifiées avant qu’elles ne soient à leur tour contestées en cour.
L’accès à l’avortement en Nouvelle-Écosse est systématiquement entravé par le gouvernement provincial et, bien que l’attention des médias n’y ait pas été aussi importante qu’au Nouveau-Brunswick et à l’Î.-P.-É., un accès amélioré y est demandé depuis des décennies par les défenseurs du domaine de la santé.
Il fut un temps où la Nouvelle-Écosse était l’une des rares provinces de l’Atlantique où des hôpitaux faisaient des avortements; mais depuis le jugement Morgentaler de 1988, le gouvernement provincial a conservé deux politiques régressives qui accentuent les risques, créent des retards et posent des obstacles aux droits génésiques.
La Nouvelle-Écosse accuse aujourd’hui un retard honteux, en comparaison avec le reste du Canada. La province est maintenant la seule qui exige un papier d’un médecin et des examens médicaux avant qu’une personne puisse avoir recours à des services d’avortement. Étant donné qu’aucune raison médicale ne justifie de refuser les demandes de services des personnes sans autre critère, cette politique donne à une tierce partie un pouvoir injustifié qui entrave l’autonomie personnelle et menace la sécurité de la personne en plus de causer des retards inacceptables.
Une personne néo-écossaise qui veut se faire avorter doit trouver un médecin qui la recevra en temps opportun, espérer que ce médecin n’est pas d’allégeance antichoix, puis attendre que des tests soient réalisés. Dans un endroit où il manque sérieusement de médecins, tout ça n’est pas tâche facile.
La politique qui requiert une référence fournie par un médecin pourrait de plus être inconstitutionnelle. L’arrêt R. c. Morgentaler a aboli la loi qui exigeait une référence d’un médecin pour un « avortement thérapeutique ». Les comités de l’avortement thérapeutique, comme on les appelait, faisaient interférence au droit à la santé et à la sécurité de chaque personne, car ils causaient des retards inacceptables (et dans certains cas des refus) à une intervention médicale pour laquelle le temps est important. Comment se fait-il que, près de 30 ans plus tard, la Nouvelle-Écosse exige encore qu’on présente un billet de médecin afin d’obtenir un avortement?
La province pourrait également tirer une leçon ou deux du Nouveau-Brunswick. Jusqu’à tout récemment, le N.-B. contrevenait lui aussi en toute impunité à une décision de la Cour suprême et à la Loi canadienne sur la santé en exigeant que deux médecins apposent leur signature sur un billet de référence pour l’avortement. Le N.-B. est passé volontairement à l’action pour mettre fin à cette politique après des pressions croissantes venant de militantes, mais le ministre de la Santé de la Nouvelle-Écosse prétend que son gouvernement n’a jamais été informé d’aucun problème concernant cette règle. Cette affirmation a étonné les militants locaux pour la santé sexuelle et pour les droits génésiques, qui voient clairement comment ces restrictions rendent difficile l’accès à l’avortement en Nouvelle-Écosse.
Mais le Nouveau-Brunswick n’est pas parfait non plus. La N.-É. et le N.-B. demeurent les deux seules provinces à refuser de couvrir le coût de l’avortement chirurgical hors du milieu hospitalier. Le N.-B. a toutefois pris récemment des mesures pour répondre aux obstacles historiques par des changements aux politiques et il est devenu la première province canadienne à s’engager à couvrir universellement le coût de Mifegymiso (une combinaison de médicaments utilisée pour l’avortement médical). En Nouvelle-Écosse, la couverture des coûts par la province pourrait contribuer à réduire considérablement le temps d’attente, et à permettre l’accès en région éloignée. Le médicament a le potentiel de régler de sérieux obstacles, mais il faut que les leaders provinciaux l’appuient.
Il faut maintenir les pressions pour abolir les règles désuètes qui entravent la réponse à des besoins de soins de santé. La Nouvelle-Écosse doit suivre l’exemple des provinces et territoires qui couvrent déjà le prix de Mifegymiso (soit entre 300 et 450 dollars) et elle doit appuyer les professionnels de la santé afin qu’ils offrent l’avortement en milieu hospitalier et extrahospitalier. Et alors, la Nouvelle-Écosse devrait être en route vers l’universalité des soins de santé.