Sandeep Prasad et Pam Krause pour CBC News
Le mois dernier, le Gouvernement de l’Alberta a pris une mesure importante et longuement attendue pour améliorer la sécurité des patient-es et des fournisseurs et fournisseuses de services en matière d’avortement en adoptant le Projet de loi 9, qui crée des zones d’interdiction de manifestation autour des cliniques d’avortement. De fait, cette loi protège le droit des patient-es de prendre des décisions concernant leurs corps et de recourir à des services d’avortement sans crainte d’interférence, d’intimidation ou de harcèlement.
Par le biais de la ligne d’accès d’Action Canada, nous parlons avec des milliers de personnes de partout au pays et sommes au courant des réalités que les gens rencontrent en lien avec l’accès à des services d’avortement. Au fil des années, nous avons soutenu des personnes de l’Alberta qui ont reçu de fausses informations sur Internet et de soi-disant « centres de crise de grossesse », quant aux lieux où demander un avortement, à la « nature risquée » de l’intervention et aux services offerts.
Nous avons également soutenu des personnes de l’Alberta qui ont vu des étrangers les invectiver à hauts cris lorsqu’elles tentaient de recourir à cette intervention; et d’autres qui reçoivent des appels quotidiens de ces centres de crise, souvent confondus avec des cliniques, et dont le personnel tente de les faire changer d’idée et de les empêcher de se faire avorter. Ces tactiques, qui incluent également le piquetage devant des centres de santé et l’intimidation directe dans la rue, créent des obstacles qui affectent la santé des individus et leur accès aux soins génésiques.
Implications pour la santé mentale
Tout individu a le droit à des informations exactes et fondées sur les données pour prendre des décisions relatives à ses soins de santé. Et lorsqu’on est intimidé ou humilié pour un choix qu’on a fait – un choix qui est sécuritaire, légal et approprié pour soi – cela peut avoir de sérieuses conséquences sur sa santé mentale.
Franchir une ligne de piquetage pour entrer dans un centre de santé n’est pas une mince affaire. Cela peut ralentir le recours aux soins, ce qui peut avoir d’importantes répercussions sur la santé publique; les conséquences sont particulièrement graves dans les petites communautés, où les individus se connaissent et où l’on risque d’être dénoncé pour une intervention qui porte encore un lourd stigmate social.
L’activité anti-choix affecte également les professionnel-les de la santé, qui jouent un rôle fondamental pour assurer que les personnes aient accès aux services auxquels elles ont droit. La nouvelle législation prévoit non seulement la création de zones de protection autour des cliniques et des établissements qui offrent des services d’avortement, mais également la possibilité de créer des zones de protection autour des résidences d’employé-es de cliniques et d’autres professionnel-les de la santé réglementés.
Des lois similaires établissant des zones de protection autour des fournisseurs et fournisseuses de services en matière d’avortement ont été adoptées dans d’autres provinces, notamment en Ontario, en Colombie-Britannique, à Terre-Neuve-et-Labrador et au Québec. En Alberta, les manifestant-es devront se tenir à au moins 50 mètres de distance et toute infraction sera passible de pénalités pouvant inclure l’arrestation, des amendes ou l’emprisonnement.
En plus de reconnaître l’importance de protéger les patient-es et les intervenant-es, cette mesure reconnaît le paysage changeant des soins d’avortement en Alberta qui, depuis 2017, inclut la couverture des coûts de la pilule abortive Mifegymiso. Depuis la mise en œuvre de cette couverture, l’Alberta a observé une hausse du recours aux services d’avortement dans les régions rurales et éloignées de la province.
Ceci ne signifie pas nécessairement qu’un plus grand nombre de personnes ont recours à l’avortement, mais plutôt que les personnes qui choisissent cette option peuvent accéder à la pilule abortive sans avoir à se déplacer – parfois sur des centaines de kilomètres – pour recevoir l’intervention. La couverture des coûts de Mifegymiso offre une option aux personnes de l’extérieur des centres urbains comme Calgary et Edmonton, et cette nouvelle loi protège la sécurité des patient-es et des praticien-nes, car des zones de protection peuvent être créées autour des pharmacies et de leur personnel.
Obstacles psychologiques
Bien que les individus aient le droit à la liberté d’expression, leurs protestations ne peuvent pas faire entrave au droit d’obtenir des services de santé, y compris des soins d’avortement. Les manifestant-es n’empêchent peut-être pas physiquement les personnes d’accéder à ces services, mais leur présence et leur interférence aux portes des centres de santé constituent des obstacles psychologiques de taille.
L’idée n’est pas de « nourrir les divisions », comme l’ont prétendu certaines personnes. Les gens sont toujours libres d’avoir des croyances personnelles et de les partager. L’objectif est plutôt de répondre aux activités anti-choix qui créent de réels obstacles à l’accès aux soins de santé, qui menacent la sécurité des patient-es et qui interfèrent avec la liberté d’autres individus de faire des choix concernant leur corps – des choix qui leur conviennent.