Texte d’opinion publié en anglais dans Edge North
En novembre, le ministre de la Santé des Territoires du Nord-Ouest, Glen Abernethy, a annoncé que le gouvernement couvrirait la pilule abortive (dont le nom de marque canadien est Mifegymiso) pour les résident-es n’ayant aucune autre forme d’assurance-maladie.
L’organisme FOXY, la Midwives Association of the Northwest Territories, Northern Options for Women et Action Canada pour la santé et les droits sexuels ont écrit une lettre ouverte au premier ministre, l’exhortant à aller plus loin en offrant la couverture universelle du coût de la pilule abortive et en autorisant des professionnel-les de la santé autres que des médecins, comme des sages-femmes et des infirmières praticiennes, à la prescrire.
D’aucuns diront qu’une couverture partielle est mieux que rien. Or les données d’autres provinces et territoires démontrent que, sans la couverture universelle du coût, des individus ne peuvent accéder aux services dont ils ont besoin et auxquels ils ont droit.
Dans le cas de la pilule abortive, certaines personnes couvertes par l’assurance privée d’un-e conjoint-e ou d’un-e parent ne font pas de réclamation parce qu’elles craignent qu’un membre de leur famille apprenne qu’elles ont utilisé le médicament. Par conséquent, des individus ayant une assurance privée pourraient ne bénéficier que d’une couverture partielle, voire nulle.
L’assurance privée implique souvent des quotes-parts et des franchises, des paiements initiaux pour des services, et des documents complexes à remplir pour obtenir un remboursement. Ceci crée un stress financier et administratif indésirable, pour plusieurs – en particulier parce que la pilule abortive coûte entre 350 $ et 450 $.
Par ailleurs, l’utilisation de la pilule abortive est sensible au facteur temps car elle n’est possible que dans les neuf premières semaines de grossesse, au Canada. Cela ne laisse souvent pas le temps de s’occuper de réclamations d’assurance qui pourraient ralentir, voire compromettre l’accès à cette intervention médicale nécessaire.
En plus de la couverture universelle du coût, il est primordial que le gouvernement autorise les sages-femmes et des professionnel-les de la santé autres que les médecins à prescrire la pilule abortive, afin de réduire les délais.
Ceci est crucial pour les résident-es du nord du Canada, où les médecins sont moins accessibles. Le programme Northern Options for Women fournit des services d’avortement aux résident-es des T.N.-O. Sa mission est d’offrir des soins d’avortement sans jugement, accessibles et fondés sur les données. Avec un soutien gouvernemental accru et des sages-femmes et infirmières praticiennes qui auraient l’autorisation de prescrire la pilule abortive, il pourrait améliorer l’accès aux services d’avortement dans les T.N.-O.
Nous connaissons les impacts néfastes des obstacles à l’avortement, comme le coût. Ces obstacles accroissent le nombre d’avortements non sécuritaires et alourdissent le fardeau pour les personnes qui doivent franchir de longues distances pour obtenir des soins; ils affectent particulièrement les jeunes, les personnes à revenu faible et les personnes des régions rurales et éloignées.
En réponse à ces enjeux, le Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest doit mettre en œuvre la couverture universelle et élargir l’autorité de prescrire la pilule abortive. Ces deux changements désamorceraient les obstacles injustes qui nuisent à l’accès à ce service médicalement nécessaire.
En fournissant la couverture universelle du coût de la pilule abortive – comme le font déjà neuf autres provinces et territoires, au Canada – le Gouvernement des T.-N.-O. réduirait les iniquités de santé et améliorerait l’accessibilité, en particulier en région rurale et éloignée. Ceci réduirait également les coûts généraux associés à l’avortement chirurgical, comme le transport vers un hôpital régional et l’hospitalisation.
Si les soins de santé sont réellement universels, l’accès à l’avortement ne peut pas dépendre de notre code postal.
Au-delà d’un accès égal à la santé, l’accès accru à l’avortement est une question d’égalité des genres, de même que de droits humains.
La couverture universelle du coût de la pilule abortive et l’autorisation des sages-femmes et des infirmières praticiennes à la prescrire peuvent faire nettement progresser les droits génésiques dans les T.N.-O. Lorsque ces droits sont appliqués, les personnes sont en meilleure position pour décider si elles désirent des enfants, combien elles en veulent et à quel moment; pour fonder une famille dans un cadre positif; pour exercer leurs droits à la santé et à l’autonomie corporelle; et pour avoir une vie épanouie.
Les Gouvernements de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de l’Ontario, du Québec, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du-Prince-Édouard, de Terre-Neuve-et-Labrador, et bientôt clui du Yukon, ont mis en œuvre des programmes de couverture universelle des coûts pour que leurs résident-es aient accès à la pilule abortive – alors pourquoi pas celui des T.N.-O.?
Candice Lys est titulaire d’un doctorat en santé publique et cofondatrice/directrice générale de l’organisme FOXY/SMASH; elle vit à Yellowknife. Sandeep Prasad est directeur général d’Action Canada pour la santé et les droits sexuels, à Ottawa.