Le très honorable Justin Trudeau P.C., M.P.
Premier ministre du Canada
Édifice Langevin
Ottawa, ON, K1A 0A2
Monsieur le Premier ministre,
La présente a pour objet de vous informer d’une communication officielle d’expert-es de l’ONU en droit de la personne,[1] demandant au Canada de prendre immédiatement des mesures pour assurer le respect de ses obligations en la matière. Nous demandons votre action immédiate pour appliquer les recommandations contenues dans ladite communication.
En décembre 2018, le Canada a reçu une communication des Nations Unies, demandant au gouvernement de faire respecter le droit des jeunes à une éducation sexuelle complète dans toutes les régions du Canada, et en particulier dans la province de l’Ontario. La communication résultait d’une soumission de preuves par Action Canada pour la santé et les droits sexuels (Planning des naissances du Canada), en collaboration avec The 519 et le SHORE Centre, attirant l’attention sur les violations de droits de la personne découlant de la décision du Gouvernement de l’Ontario d’abandonner le programme de 2015 pour l’enseignement de la santé afin de régresser au programme désuet de 1998.
Le programme pédagogique sur la santé de 1998 exclut les leçons sur les identités et familles LGBTQ+, le consentement, la littératie médiatique appropriée à l’ère numérique, l’égalité des genres et l’inclusion des personnes ayant un handicap. Ce vieux programme menace la santé et la vie des jeunes personnes – et en particulier des jeunes LGBTQ+, des femmes et des filles.
Le Canada est invité à fournir des explications et à rendre des comptes pour les sérieuses violations de droits de la personne qui ont présentement cours en raison de la décision de politiques de l’Ontario. En particulier, le gouvernement fédéral doit : (1) « assurer que tous les individus et groupes aient accès à une éducation complète, non discriminatoire, factuelle, scientifiquement exacte et adaptée à l’âge, concernant tous les aspects de la santé sexuelle et génésique, y compris sur l’égalité des genres, la violence sexuelle et fondée sur le genre, de même que sur la question du consentement » [traduction]; et (2) veiller à ce que tous les paliers de gouvernement respectent les obligations internationales relatives aux droits de la personne. La communication signale, de plus, le rôle du gouvernement fédéral d’assurer que les gouvernements des provinces se conforment aux obligations de ne pas porter atteinte aux droits de la personne.
Cette communication officielle survient après la réception et l’acceptation, par le Canada, d’une recommandation issue du processus onusien de l’Examen périodique universel de 2018 à son sujet – une recommandation de poser des gestes pour assurer l’accès égal à une éducation sexuelle complète à l’échelle du pays. Le Canada dispose de quatre ans pour se conformer à ses obligations en matière de droits de la personne et prendre des mesures adéquates pour remédier à la mise en œuvre inégale, et inférieure à la norme, de l’éducation complète à la sexualité.
Action Canada et ses alliés demandent que le Canada amorce immédiatement un dialogue avec le Gouvernement de l’Ontario afin de garantir les droits humains des enfants et des jeunes, conformément aux traités internationaux sur les droits humains ainsi qu’à la Charte canadienne des droits et libertés et au Code des droits de la personne de l’Ontario. Le défaut de respecter les droits à la non-discrimination, à la santé et à l’éducation est inacceptable.
Nous demandons un leadership du palier fédéral pour l’éducation complète à la sexualité, conformément aux obligations du Canada en matière de droits de la personne. En particulier, nous vous invitons à :
- Intervenir auprès du premier ministre ontarien Doug Ford pour tenter de faire en sorte qu’il rétablisse immédiatement le programme d’éducation sexuelle de 2015.
- Créer, sous la direction conjointe de l’Agence de la santé publique du Canada et du ministère des Femmes et de l’Égalité des genres, une campagne de sensibilisation appuyant une éducation sexuelle complète, de qualité et fondée sur les données probantes.
- Allouer des ressources à l’Agence de la santé publique du Canada afin d’investir dans le renforcement des capacités et la formation des personnes enseignantes dans le domaine de la santé sexuelle.
- Procéder à une surveillance nationale périodique; notamment par des sondages à grande échelle, concernant un ensemble sérieux d’indicateurs relatifs à la santé sexuelle, désagrégés selon des facteurs pertinents comme le genre, l’âge, l’emplacement, l’appartenance ethnique, etc.
- Lancer une stratégie nationale pour égaliser l’accès à une éducation sexuelle complète, dans l’ensemble des provinces et territoires.
Une éducation sexuelle complète, scientifiquement exacte, factuelle, non discriminatoire et adaptée à l’âge constitue un droit reconnu internationalement à tous les jeunes. Ce droit est essentiel à la réalisation de leur santé sexuelle et génésique, en plus de contribuer au progrès vers l’élimination de la discrimination et de la violence sexospécifiques, y compris l’homophobie et la transphobie.
À titre de dirigeant d’un pays signataire des lois internationales sur les droits de la personne, il est de votre responsabilité de veiller à ce que tous les jeunes du Canada aient accès à l’information sur la santé sexuelle et génésique. Action Canada se tient à votre disposition pour appuyer tout effort afin que soit réalisé le droit de chaque jeune personne à une éducation sexuelle complète.
Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de mes sentiments distingués.
Sandeep Prasad
Directeur général, Action Canada pour la santé et les droits sexuels
sandeep@sexualhealthandrights.ca, 613-241-4474 (poste 3)
c. L’honorable Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien et du Multiculturalisme
L’honorable David Lametti, ministre de la Justice
L’honorable Chrystia Freeland, ministre des Affaires étrangères
[1] La Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels; la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées; le Rapporteur spécial sur le droit à l’éducation; le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression; le Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale; l’Expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination en raison de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre; et le Groupe de travail sur la question de la discrimination contre les femmes en droit et dans la pratique.