Les travailleuse(-eur)s du sexe – des personnes qui fournissent des services sexuels en échange d’argent ou de biens – sont criminalisé-es, surveillé-es de façon excessive, contrôlé-es à outrance par la police et privé-es de certains droits fondamentaux. Celles et ceux qui rencontrent des formes recoupées de discrimination due à la pauvreté, à la visibilité de leur présence dans des lieux publics, à leur situation raciale ou sociale, de même qu’à leur identité de genre, sont ciblé-es de façon disproportionnée par les forces de l’ordre et font l’objet de violences institutionnelles, juridiques et sociales. Une part importante de ces mauvais traitements découle de la stigmatisation du travail du sexe, à proprement parler, et du manque de reconnaissance de l’agentivité des travailleuse(-eur)s du sexe dans leur vie quotidienne.
Divers organismes du domaine des droits de la personne ainsi que des agences des Nations Unies et des tribunaux ont conclu que la criminalisation de l’industrie du sexe crée des conditions propices à l’exploitation, en plus de donner lieu à des violations de droits de la personne des travailleuse(-eur)s du sexe. En 2014, une contestation judiciaire phare (Procureur général c. Bedford) s’est soldée par un jugement indiquant que les lois canadiennes relatives au travail du sexe portent atteinte au droit constitutionnel des travailleuse(-eur)s du sexe à la sécurité; la Cour suprême a invalidé ces lois. Néanmoins, le gouvernement a adopté en 2014 la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation (LPCPVE), allant à l’encontre de ce jugement. La LPCPVE définit tout travail du sexe comme étant une exploitation; de plus, cette loi considère toutes les personnes qui exercent le travail du sexe comme étant des victimes, et tou-te-s les client-es et les tierces personnes comme étant des criminel-les. Un de ses principaux objectifs est d’éradiquer la prostitution. La nouvelle loi inclut des dispositions qui criminalisent directement les travailleuse(-eur)s du sexe et d’autres articles qui criminalisent pratiquement tous les éléments de l’industrie du sexe.
Depuis l’entrée en vigueur de la LPCPVE, les travailleuse(-eur)s du sexe ont constaté un antagonisme accru en rapport avec les forces de l’ordre; ils et elles ont indiqué vivre une violence ciblée et une peur d’en faire le signalement, une présence non désirée et non demandée des forces de l’ordre auprès des travailleuse(-eur)s du sexe autochtones, noir-es, trans, migrant-es et faisant usage de drogues, de même que des cas de détention et de déportation de travailleuse(-eur)s du sexe asiatiques et migrant-es. Le mésusage et l’utilisation excessive des lois sur la traite de personnes afin de cibler des travailleuse(-eur)s du sexe et des clients, par la police, crée des conditions de plus en plus dangereuses et marginalisées pour les travailleuse(-eur)s du sexe.
La protection et le respect des droits humains des travailleuse(-eur)s du sexe nécessitent une réponse holistique. La décriminalisation – l’abrogation des lois criminelles et des dispositions sur l’immigration qui concernent spécifiquement le travail du sexe – est une première étape nécessaire. Un plan holistique pour la réforme des lois sur le travail du sexe doit inclure des mesures pour contrer la discrimination et l’inégalité sous toutes leurs formes – pauvreté, logement inadéquat, soins de santé inadéquats, manque d’accès à des modes de transport sécuritaires, manque d’accès à l’aide juridique, criminalisation et incarcération excessives, et problèmes continuels des systèmes de protection de la jeunesse. Un tel plan doit inclure également des protections fondamentales des droits relatifs au travail et de la sécurité des travailleuse(-eur)s du sexe.
DÉCLARATION DE SOLIDARITÉ
Nous nous opposons aux lois fédérales, provinciales et municipales qui criminalisent et réglementent de manière disproportionnée l’autonomie corporelle, la sexualité ainsi que la santé et les droits sexuels et génésiques.
Nous exhortons le Gouvernement du Canada à décriminaliser complètement le travail du sexe, comme premier pas visant à protéger et à respecter les droits de la personne de tou-te-s les travailleuse(-eur)s du sexe – ce qui consiste avant tout à abroger les lois pénales et les dispositions en matière d’immigration qui criminalisent le travail du sexe.
Nous demandons que le travail du sexe soit reconnu comme un travail significatif et valable qui comporte des possibilités de développement économique pour les personnes qui vendent des services sexuels et qui en font le commerce.
Nous demandons un accès égal et non discriminatoire aux occasions et aux droits relatifs à la santé, à l’éducation, au travail, au logement et à l’autonomie économique.
Nous affirmons que les travailleuse(-eur)s du sexe ne sont pas des criminel-les qu’il convient de stigmatiser mais plutôt des membres d’une catégorie de travailleuse(-eur)s qui est souvent exploitée et sous-protégée.
Nous sommes solidaires des travailleuse(-eur)s du sexe pour revendiquer leurs droits, la reconnaissance de leur agentivité et de leur capacité de décision ainsi que des conditions de travail sécuritaires.
Nous, organismes soussignés, nous engageons à promouvoir les droits des travailleuse(-eur)s du sexe et à créer des espaces où ces travailleuses et travailleurs pourront exercer leur leadership et figurer au centre des discussions concernant la réforme des lois sur le travail du sexe.