Le meilleur et le pire endroit pour obtenir un avortement au Canada

Anti-abortion advocates march on Parliament Hill to protest access to abortion.

Voici les faits : l’avortement n’est pas illégal au Canada depuis plus de trente ans, mais il est encore hors de portée, en 2019, pour des centaines de milliers de personnes à travers le pays.
 
La plupart des Canadien-nes (qui d’ailleurs sont pro-choix) croient qu’il est facile d’accéder à l’avortement en cas de besoin. Cette idée fausse nourrit notre sentiment de complaisance concernant l’avortement. À l’approche de l’élection fédérale, nous devons utiliser notre vote pour rectifier les faits et lancer un message clair : le statu quo nous affecte tous et toutes. Nous avons besoin d’un accès égal à l’avortement dès maintenant.  

La question n’est pas seulement d’éviter de « rouvrir le débat sur l’avortement ». Nous avons besoin d’un gouvernement qui travaillera concrètement à élargir l’accès à ce service de santé crucial. Notre gouvernement doit démontrer qu’il a un plan pour éliminer les obstacles de longue date qui empêchent l’accès équitable aux soins de santé génésique.

Un simple coup d’œil par province, territoire, région et communauté suffit pour saisir l’ampleur du problème. Action Canada pour la santé et les droits sexuels vient de mettre à jour L’accès en un clin d’œil, une ressource exposant les disparités de l’accès à l’avortement d’une province ou d’un territoire à l’autre. Les contrastes sont saisissants : une province offre 50 points d’accès à l’avortement tandis que sa voisine n’en compte que deux ou trois. C’est un problème majeur.

Ce manque d’accès est une violation de l’un des piliers de notre système de soins universels en vertu de la Loi canadienne sur la santé : les services de santé doivent être accessibles à tous les individus et non seulement à ceux qui ont la chance d’habiter au bon endroit.

Nos recherches pour L’accès en un clin d’œil offrent un début de réponse à cette question qui m’est fréquemment posée : quel est le pire endroit au Canada si l’on veut se faire avorter?

S’agit-il de la Nouvelle-Écosse? L’an dernier, la chef du bureau atlantique du Globe and Mail, Jessica Leeder, a publié un compte rendu de sa propre expérience de recours à l’avortement dans cette province. Son article, qui a fait la une, décrivait de manière vivide l’enchaînement de problèmes qu’elle a rencontrés et brossait un sombre tableau des obstacles aux soins dans la province. En revanche, un réseau de fournisseur(-euse)s de soins de santé et de militant-es de la Nouvelle-Écosse a collaboré à la création d’une ligne d’autoréférence afin d’élargir l’accès à l’avortement et d’aider les gens à trouver le/la fournisseur(-euse) le/la plus proche de chez eux. 

Est-ce plutôt l’Île-du-Prince-Édouard, où il a fallu brandir la menace de poursuites en justice pour obtenir que des services soient offerts, aussi récemment qu’à la fin de 2017? Ou encore le Nouveau-Brunswick, dont le gouvernement enfreint la Loi canadienne sur la santé en refusant de couvrir le coût des avortements pratiqués dans des cliniques?

En vérité, les meilleurs et les pires endroits pour accéder à l’avortement se trouvent dans chacun-e des provinces et territoires – même dans des lieux comme l’Ontario, qui compte de nombreux points de service, et le Québec, où les soins d’avortement sont intégrés dans le réseau des soins de santé primaires. Il existe des obstacles dans chaque province et territoire. C’est un enjeu qu’il nous faut aborder à l’échelle du pays.

Une personne de Toronto peut accéder à des soins d’avortement dans sa communauté (même si elle pourrait être confrontée à des frais d’administration inabordables dans plusieurs cliniques, et même si ces soins ne sont offerts dans aucun hôpital local), mais une personne d’une région rurale du nord de l’Ontario pourrait devoir parcourir des milliers de kilomètres. Cela est injuste et inacceptable.

En Saskatchewan, la ville de Saskatoon est le point le plus au nord où l’on peut obtenir un avortement chirurgical, mais seulement jusqu’à la 12e semaine de grossesse. Moins de la moitié des résident-es de la province habitent dans les deux seules villes où l’avortement chirurgical est offert, et pour plusieurs personnes des régions du nord, les déplacements sont devenus pratiquement impossibles depuis les coupes aux services de la Société des transports de la Saskatchewan.

Les défis sont les mêmes en Alberta et au Manitoba. De nombreuses personnes vivent dans des communautés rurales et éloignées, alors que les soins d’avortement ne sont offerts que dans les centres urbains. Même au Québec, où l’avortement est plus facile d’accès, des défis persistent et nécessitent notre attention, comme des restrictions touchant la pilule abortive.

L’avortement est un service de santé essentiel des plus stigmatisés au Canada, sinon le plus stigmatisé. La Cour suprême a beau avoir tranché en 1988 que l’avortement doit être traité comme toute autre intervention médicale, le manque de progrès est troublant. Au lieu de demander à nos politicien-nes s’ils et elles défendront le droit de choisir, nous devons aller plus loin et exiger leur engagement, et celui de nos gouvernements, à faire en sorte que tous les individus puissent réellement avoir accès aux soins dont ils ont besoin.

Au moment d’aller aux urnes, libérons notre imagination afin d’améliorer la justice sexuelle et génésique pour tous et toutes. Toute personne ayant besoin d’un avortement mérite d’habiter au meilleur endroit possible pour l’obtenir.

The best, worst places to get an abortion in Canada
Posté sur 2019-10-02