Le budget fédéral canadien 2021 inclut des mesures concrètes pour remédier au manque de financement qui met en péril l’accès aux soins de santé sexuelle et génésique et au manque de données qui empêche le développement de politiques et de programmes fondés sur des preuves. La pandémie de COVID-19 a exacerbé des lacunes de longue date dans les soins de santé sexuelle et génésique, en puisant dans des ressources déjà limitées, et elle compromet l’accès aux services en raison des restrictions imposées aux déplacements interprovinciaux et internationaux et de la réduction de la capacité de dépistage, de traitement et de soins des infections transmissibles sexuellement (ITS), de la recherche des contacts, des soins contraceptifs, y compris la pose de dispositifs intra-utérins (DIU), du soutien aux personnes touchées par la violence fondée sur le genre et de l’aide aux personnes ayant besoin de soins d’affirmation de genre, entre autres.
Le budget 2021 annonce deux engagements financiers importants et considérables. Action Canada fait valoir depuis longtemps l’importance de ces enjeux auprès du gouvernement fédéral et se réjouit de leur annonce dans le budget.
45 millions $ sur trois ans à des organismes communautaires pour rendre plus accessibles l’information et les services en santé sexuelle et génésique
Des organismes de bienfaisance comme Action Canada ont souvent du mal à combler les lacunes dans l’accès aux soins de santé sexuelle et génésique – des lacunes résultant d’années d’inaction et de sous-financement par le gouvernement.
La COVID-19 et les réponses à la pandémie ont eu un impact de grande ampleur sur la santé et les droits sexuels et génésiques. Les soins en matière d’avortement et de contraception ainsi que la santé sexuelle des jeunes ont été rétrogradés dans l’échelle des priorités, face aux crises de santé publique. Cela peut avoir des conséquences dévastatrices pour les individus et les communautés, notamment des hausses de la morbidité maternelle, de la violence fondée sur le genre, des grossesses non planifiées et des répercussions à long terme sur la santé mentale et physique.
Neuf provinces connaissent actuellement une hausse des taux d’ITS. Des épidémies sont en cours. Les personnes ont du mal à accéder aux dépistages et aux traitements car les cliniques sont limitées dans leur prestation de services et les laboratoires sont débordés. L’accès à l’avortement, notamment en région rurale et éloignée, demeure un défi de taille.
Les personnes confrontées aux plus grands défis sont les migrant-es et immigrant-es sans papiers et les personnes aux prises avec la précarité du logement ou confrontées à la violence d’un partenaire intime.
Par ailleurs, l’éducation sexuelle que les jeunes reçoivent au Canada varie énormément en qualité et est désuète. Les intervenant-es communautaires en éducation sur la santé sexuelle ont une charge de travail au-delà de leurs capacités et offrent leur soutien lorsque possible. Si des cours ont lieu, il est fréquent que le contenu enseigné fasse fi des besoins et expériences de nombreux élèves, y compris ceux et celles qui sont 2SLGBTQ+, ainsi que des réalités actuelles dans lesquelles les jeunes naviguent pour prendre des décisions sexuelles.
Action Canada gère la Ligne d’accès – un numéro confidentiel sans frais accessible 24 h sur 24 partout au Canada qui offre une écoute téléphonique et de l’information touchant la santé sexuelle et génésique, y compris des références concernant les options en cas de grossesse. Notre équipe d’employé-es et de bénévoles fournit de l’information et des références à des cliniques et hôpitaux qui fournissent des services de santé sexuelle et génésique, y compris l’avortement et le dépistage d’ITS, n’importe où au Canada. Plus de 60 % des personnes qui appellent la Ligne d’accès nous indiquent que les emplacements et les distances sont des obstacles majeurs pour elles. Plusieurs ont besoin du soutien financier du Fonds d’urgence Norma Scarborough pour payer le transport, les médicaments et des dépenses personnelles connexes, mais non couvertes. Plusieurs font appel à la Ligne d’accès et au Fonds d’urgence comme dernier recours pour avoir accès à l’avortement.
Année après année, le Fonds d’urgence voit inévitablement son solde arriver à 0 $ – ce qui met en évidence le vide qu’il contribue à combler. En 2019, Action Canada a soutenu plus de 70 personnes par le biais du Fonds d’urgence Norma Scarborough pour qu’elles puissent accéder à des soins. Sans ce soutien financier direct, ces personnes n’auraient pas pu se rendre à leur rendez-vous pour un avortement. En 2020, le nombre de personnes auxquelles nous avons versé un soutien direct a été encore plus élevé. Lorsque la COVID-19 a frappé, le nombre d’appels à la Ligne d’accès a gonflé, passant d’environ 200 appels par mois à un pic approchant 500. Notre Ligne d’accès est maintenant revenue à un achalandage relativement normal, mais elle a affaire à des cas de plus en plus complexes en raison des restrictions de voyage liées à la COVID-19 et de niveaux de stress et d’anxiété plus élevés.
Nous devons également faire face à une poussée continue et croissante contre les droits sexuels et génésiques, par le biais de tactiques anti-choix évidentes. Les forces anti-droits et anti-genre sont actives dans le monde entier, exploitant cette période de crise de façon concertée pour faire avancer leur ordre du jour. Ces acteurs et actrices utilisent des stratagèmes, comme la tentative de faire désigner l’avortement comme un soin de santé non essentiel, et l’introduction de projets de loi misant sur le langage féministe et des droits de la personne afin d’obtenir le soutien du public à l’égard de restrictions des soins liés à l’avortement.
Une semaine avant le dépôt du budget 2021, un projet de loi a été déposé pour interdire l’avortement « sexo-sélectif » – une tactique bien connue pour faire interdire de manière détournée l’avortement, et qui finit comme nous le savons par nuire aux personnes que ces projets de loi prétendent vouloir protéger. Les droits génésiques ne sont pas hors de danger, même au Canada. Le plaidoyer en la matière nécessite un mouvement fort et engagé qui appuie la résistance contre le recul des droits, participe à cette résistance et se bat pour un véritable choix et pour l’accès pour tous et toutes. Le soutien à ce mouvement est plus que jamais nécessaire.
Action Canada accomplit du travail qui devrait être fait par les gouvernements, car il s’agit de leur obligation en vertu de la Loi canadienne sur la santé et du droit international des droits de la personne. Aucun organisme de bienfaisance ne devrait avoir la responsabilité de veiller à ce que les gens puissent avoir accès à des soins de santé auxquels ils ont droit. Action Canada finance ce travail grâce à des dons d’individus. Cette situation est inacceptable. D’où la nécessité de nos campagnes et de notre travail de plaidoyer afin que les gouvernements soient tenus de respecter leurs obligations.
C’est dans cet esprit que nous accueillons l’annonce d’un financement de 45 millions de dollars sur trois ans pour soutenir le travail essentiel d’organismes communautaires qui s’efforcent de rendre l’information et les services de santé sexuelle et génésique plus accessibles dans leurs communautés, sans laisser personne de côté. Nous sommes impatient-es de travailler main dans la main avec Santé Canada à élaborer un mécanisme et une stratégie de financement solides, équitables et accessibles.
Consultez nos recommandations aux bailleurs de fonds pour adopter des stratégies féministes de financement.
7,6 millions $ sur cinq ans pour une enquête nationale sur la santé sexuelle et génésique
Le Canada a besoin d’une enquête nationale périodique sur la santé sexuelle assurant un examen national régulier et des données entièrement désagrégées, à propos d’enjeux comme les infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS), la stérilisation involontaire, les intentions et les résultats des grossesses, l’utilisation de contraceptifs, les besoins non satisfaits en matière de contraception et les marqueurs d’équité entre les genres – y compris les attitudes, la santé sexuelle des hommes, la violence des partenaires intimes, de même que la violence sexuelle et la coercition reproductive.
Ces informations permettront aux autorités décisionnelles, aux professionnel-les de la santé et aux organismes communautaires d’interpréter les tendances des diagnostics, de l’accès aux services, des besoins, des résultats et des expériences; d’accéder à des données sur les habitudes de dépistage au niveau populationnel afin d’évaluer l’impact des stratégies de dépistage; et de combler les lacunes dans les connaissances en santé sexuelle et génésique. Nous avons besoin de cette collecte de données pour élaborer des programmes et des politiques fondés sur des données probantes et allouer des ressources qui répondent vraiment aux besoins des gens au Canada.
Nous accueillons favorablement l’affectation de fonds à la création d’une enquête nationale sur la santé sexuelle et génésique.
Pour aller de l’avant, Statistique Canada doit (1) s’engager dans une solide consultation avec un éventail pertinent d’expert-es en santé sexuelle afin d’élaborer une enquête et une stratégie pour la réaliser; (2) travailler avec des
expert-es en santé sexuelle pour s’assurer que la conception de l’enquête intègre un ensemble complet d’indicateurs désagrégés qui tiennent compte des questions de race, de genre, de handicap, de lieu, d’appartenance ethnique, d’orientation sexuelle et d’âge, entre autres facteurs; et (3) élaborer un modèle entièrement financé pour assurer la viabilité à long terme d’une enquête nationale périodique sur la santé sexuelle.
30 milliards $ sur cinq ans pour établir un système pancanadien de garde et d’apprentissage pour les jeunes enfants
Reproductive justice draws intersections between racial, economic, cultural and other power structures that enable and constrain the ability of individuals, particularly women of colour, to make personal decisions about their lives, such as whether to have children, and, when parenting children, to have the ability to do so in healthy and safe environments. Laws, policies and programs related to childcare, pay equity, paid parental leave, among others, facilitate a more holistic approach to sexual and reproductive health and rights; that consider the structural factors that impact the ability of individuals to make free and autonomous decisions about our bodies, lives, genders, sexualities, reproductive choices, health and well-being.
Action Canada félicite les militant-es pour les services de garde et leurs allié-es, pour leur plaidoyer soutenu depuis des décennies. Action Canada appuie sans réserve cet engagement attendu depuis trop longtemps, et attend avec impatience les prochaines étapes concrètes et sans délai pour créer un système national de services de garde d’enfants.
15 millions $ sur trois ans pour des projets 2SLGBTQ+ afin de soutenir des initiatives éclairées par la communauté
Action Canada se réjouit de cet engagement et demande le financement explicite de coalitions et organismes dirigés par des personnes 2SLGBTQ+. Nous observons de plus en plus de cas de transphobie, de transmisogynie et d’homophobie manifestes au Canada. Pendant trop longtemps, les organismes et mouvements féministes et de justice sociale ont laissé prospérer des féminismes qui excluent les personnes trans – en ne confrontant pas les activités flagrantes de « féministes » radicales qui excluent les personnes trans (FRET) et en échouant à inclure les personnes trans et leur libération dans ces espaces. Les mouvements, les théories et l’organisation trans sont essentiels à un ordre du jour féministe intersectionnel et libérateur.
Action Canada demande au ministère des Femmes et de l’Égalité des genres (MFÉG) de réserver des fonds pour soutenir le travail d’organismes dirigés par des personnes 2SLGBTQ+, avec un financement dédié aux organismes et coalitions dirigés par des personnes trans, et de veiller à ce que tout le financement alloué soit un financement de base, flexible et durable. Nous demandons également au MFÉG de s’assurer que toutes les initiatives qu’il financera misent sur une approche qui inclut les personnes trans dans leurs programmes.
Aucun investissement significatif dans l’aide au développement mondial
Le budget 2021 n’investit pas de manière significative dans l’aide au développement mondial et ne répond pas aux besoins des pays du Sud. Alors que le Canada commence à se rétablir de la pandémie de COVID-19, des investissements plus importants sont nécessaires pour soutenir une reprise mondiale et assurer un accès équitable aux vaccins. La pandémie a exacerbé le nationalisme vaccinal, la montée de la résistance aux droits de la personne et les menaces aux institutions démocratiques et au multilatéralisme. Avec les menaces croissantes de mesures d’austérité parmi les pays donateurs en raison de la COVID-19, nous pouvons nous attendre à ce que les inégalités continuent de se creuser. Le Canada, avec sa Politique d’aide internationale féministe, a l’obligation d’accroître son soutien à l’aide publique au développement en veillant à ce que les ressources aillent directement aux organismes féministes, de défense des droits des femmes et de justice sociale qui travaillent à l’avancement des droits dans les communautés du Sud.
Action Canada est déçu par l’échec du Canada à faire preuve de leadership international dans ce budget. Sans investissements significatifs et à long terme, une reprise mondiale équitable n’est pas possible.
Pas de mesures significatives afin d’établir une stratégie nationale d’assurance-médicaments universelle
Bien que le budget comprenne un engagement initial de 500 millions de dollars pour soutenir les coûts élevés des médicaments pour les maladies rares, le budget n’établit pas d’échéancier ni de cadre d’investissement pour le lancement d’une stratégie nationale et universelle d’assurance-médicaments.
Des centaines de milliers de personnes passent entre les mailles du filet, incapables de se payer les médicaments et les dispositifs dont elles ont besoin pour assurer leur santé sexuelle et génésique. La capacité à gérer notre fertilité, à décider si et quand nous aurons des enfants, à avoir des grossesses saines, à affirmer notre genre et à prévenir, traiter ou gérer les ITS, y compris le VIH, ne devrait pas dépendre d’une couverture d’assurance privée ou disparate.
Pour plus d’information, communiquez avec :
Sarah Kennell, directrice des relations gouvernementales
Le texte original du budget fédéral est en ligne ici et ci-dessous :
“Appuyer l’accès aux renseignements et aux services de santé sexuelle et reproductive"
Tous les Canadiens devraient avoir accès à un ensemble complet de ressources et de services de santé sexuelle et reproductive partout au pays. À l’heure actuelle, les femmes, les jeunes, les personnes LGBTQ2+, les Canadiens racisés et les peuples autochtones font face aux risques les plus élevés en matière de santé sexuelle et reproductive, ainsi qu’aux plus grands obstacles à l’accès aux renseignements et aux services. Trop souvent, ces Canadiens ne reçoivent pas la même qualité de soins, surtout s’ils proviennent de communautés marginalisées. De plus, des exemples comme Clinic 554, la seule clinique privée d’avortement du Nouveau-Brunswick, nous montrent que le manque de financement met en péril l’accès aux soins de santé sexuelle et reproductive. Tout le monde mérite le même traitement dans notre système de soins de santé.
Le gouvernement est déterminé à collaborer avec les provinces et les territoires pour renforcer le système de soins de santé, de façon à garantir un accès équitable et approprié à un ensemble complet de services de santé sexuelle et reproductive, et ce, dans toute discussion future sur le financement du Transfert canadien en matière de santé.
Afin d’améliorer l’accès au soutien, aux renseignements et aux services de santé sexuelle et reproductive, y compris la protection du droit à l’avortement :
- Le budget de 2021 propose d’allouer un financement de 45 millions de dollars sur trois ans, à compter de 2021-2022, à Santé Canada, afin de financer des organismes communautaires qui contribuent à rendre les renseignements et les services de santé sexuelle et reproductive plus accessibles aux populations vulnérables. Ces organismes appuient des activités telles que la production de matériel didactique inclusif pour les prestataires de soins de santé sexuelle et reproductive, l’organisation d’activités de sensibilisation du public et la fourniture d’un soutien logistique et du déplacement pour les personnes qui doivent parcourir de longues distances pour accéder à des soins relatifs à l’avortement.
De plus, il n’existe actuellement aucune ressource qui recueille des données complètes sur un large éventail d’indicateurs de la santé sexuelle et reproductive au Canada, ce qui limite notre capacité à cibler les mesures de soutien. Pour pallier cette situation :
- Le budget de 2021 propose d’allouer à Statistique Canada un financement de 7,6 millions de dollars sur cinq ans, à compter de 2021-2022, afin d’élaborer et de mettre en œuvre une enquête nationale sur la santé sexuelle et reproductive permettant de recueillir des données sur la race, le revenu des ménages et l’orientation sexuelle, renseignements qui, souvent, ne sont pas consignés dans les sondages existants. En disposant de meilleurs renseignements, les gouvernements pourront mieux comprendre les défis et améliorer les mesures de soutien qu’ils fournissent.