Écrit en partenariat avec L'Association nationale Femmes et Droit
Après la décision dévastatrice de la Cour suprême des États-Unis annulant l’arrêt Roe v. Wade, des Canadien-nes se demandent comment protéger le droit à l’avortement dans notre pays.
L’avortement est réglementé différemment au Canada. Puisqu’il s’agit d’un service de santé assuré, sa prestation est encadrée par les normes nationales générales établies dans la Loi canadienne sur la santé (comme l’accessibilité). La répartition constitutionnelle des pouvoirs attribue aux provinces la responsabilité de la plupart des aspects des soins de santé, comme la supervision de la réglementation des prestataires, la mise en place de règles pour les hôpitaux et autres établissements de santé, de même que la distribution des fonds pour les services assurés dans le cadre de leurs régimes d’assurance maladie.
Les organismes, établissements et universitaires du mouvement féministe figurant ci-dessous sont d’avis qu’aucune nouvelle loi fédérale n’est nécessaire au sujet de l’avortement. Et que, de fait, l’introduction d’une législation fédérale qui tenterait d’enchâsser le droit à l’avortement aurait probablement des conséquences non désirées et nuisibles aux personnes qui demandent ce service et à celles qui le fournissent.
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Bref historique de l’avortement dans les arrêts de la Cour suprême du Canada
Jusque dans les années 1980, l’article 251 du Code criminel criminalisait l’avortement au Canada, à moins que la personne cherchant à se faire avorter suive le lourd processus qu’il décrivait pour obtenir l’approbation du Comité d’avortement thérapeutique d’un hôpital, composé d’au moins trois médecins, qui devaient certifier que sa vie ou sa santé serait en danger si la grossesse se poursuivait. Plusieurs hôpitaux n’avaient pas de tel comité; certains comités n’approuvaient pratiquement jamais d’avortements, tandis que d’autres en autorisaient.
En 1988, la Cour suprême du Canada a invalidé l’article 251 du Code criminel dans son arrêt R. c. Morgentaler. La Cour y a conclu que les règles en vigueur rendaient l’accès à l’avortement « pratiquement illusoire ». Une majorité de la Cour suprême du Canada a jugé que cela portait atteinte à la sécurité personnelle des femmes d’une manière fondamentalement injuste. Madame la Juge Wilson a joué un rôle crucial dans cette décision, par son opinion concordante selon laquelle toute restriction à l’avortement violait le droit des femmes à la liberté.
En 1989, la Cour suprême du Canada a entendu l’affaire Tremblay c. Daigle. M. Tremblay cherchait à obtenir une injonction pour empêcher Mme Daigle, son ex-partenaire, de se faire avorter. Il a tenté d’établir des droits du fœtus et a invoqué un droit de protéger sa « progéniture potentielle ». La Cour suprême a tranché qu’un fœtus n’avait pas le statut juridique d’une « personne » au Canada, et que par conséquent un père biologique n’avait aucun droit légal d’interférer avec la décision d’une femme de se faire avorter. Plus tard, en 1991, l’arrêt R. c. Sullivan de la Cour suprême a établi que le statut de personne commence à la naissance.
En 1999, dans l’affaire Dobson c. Dobson, la Cour suprême du Canada a statué qu’une personne enceinte n’est pas responsable juridiquement pour des dommages à un fœtus qui se trouve dans son utérus, et n’a aucun devoir de diligence envers lui. La Cour a estimé qu’il était impossible de définir des normes juridiques sur la façon dont les personnes enceintes devraient se comporter, ajoutant dans une opinion concordante que toute tentative de le faire violerait la vie privée, l’autonomie et les droits des femmes.
Comment l’avortement est-il réglementé aujourd’hui au Canada?
L’avortement est actuellement considéré comme un service de santé assuré et il est réglementé comme tel. Ceci qui signifie qu’il relève de la Loi canadienne sur la santé, qui définit les principes nationaux du système de santé canadien. Bien que les provinces et les territoires supervisent la gestion de leur propre système de soins de santé, ils doivent respecter les exigences de la Loi pour recevoir des fonds fédéraux. Ces exigences comprennent cinq principes relatifs aux services de santé assurés : la gestion publique, l’intégralité, l’universalité, la transférabilité et l’accessibilité. La Loi a notamment pour objectif de faciliter « un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacles d’ordre financier ou autre ». Lorsque les provinces remplissent les critères et les conditions de la Loi, elles ont droit à la totalité de leur Transfert canadien en matière de santé.
Bien qu’il reste des défis à relever en matière d’accessibilité, au Canada, l’avortement est légalement protégé par ce cadre financier.
Des militant-es anti-choix cherchent à restreindre l’avortement en déposant des projets de loi d’initiative parlementaire et font campagne en prétendant à la nécessité d’une loi sur l’avortement au Canada. Les organismes de défense des droits génésiques sont d’avis contraire et affirment qu’aucune loi fédérale sur l’avortement n’est requise et que l’absence au Canada d’une telle loi fédérale précisant la portée des services d’avortement sert de modèle à d’autres pays. De fait, l’introduction d’une loi aurait probablement pour conséquence non désirée d’ouvrir des avenues aux politicien-nes et activistes anti-choix qui souhaitent recriminaliser l’avortement ou le restreindre d’une autre façon, et de politiser davantage la question.
En quoi l’introduction d’une législation pourrait-elle nuire aux personnes qui demandent des services d’avortement et à celles qui en fournissent?
Ouvrir la porte à une législation, c’est ouvrir la voie à des restrictions potentielles. Si le Parlement établissait un droit légal à l’avortement, de nombreux acteurs anti-choix affirmeraient un intérêt à appliquer des « limites raisonnables » à ce droit. L’élaboration d’une loi enchâssant le droit à l’avortement donnerait aux politicien-nes anti-choix l’occasion de tenter d’ajouter des exemptions ou des restrictions qui n’existent pas actuellement, sous prétexte de « compromis ».
Par exemple, des politicien-nes anti-choix ont déjà tenté de restreindre l’avortement après une certaine période de gestation par le biais de projets de loi d’initiative parlementaire. Ils et elles pourraient tenter de profiter du processus de définition du droit à l’avortement pour imposer des limites gestationnelles. L’avortement est un soin de santé essentiel; restreindre son accessibilité en fonction de l’âge gestationnel – non pas pour des raisons médicales, mais sur la base de croyances morales individuelles – peut priver des personnes déjà vulnérables des soins dont elles ont besoin.
Si un gouvernement progressiste « rouvrait le débat » en légiférant dans ce domaine, cela pourrait être utilisé par un éventuel gouvernement socialement conservateur pour justifier des amendements restrictifs. Des gouvernements ultérieurs pourraient utiliser une telle loi pour ajouter des restrictions touchant les limites de gestation, le counseling et les périodes d’attente obligatoires et la sélection prénatale du sexe, pour ne citer que quelques exemples. Et pour qu’un tribunal vienne à déterminer que ces restrictions violent la Charte, il faudrait une longue contestation judiciaire – et entre-temps, les personnes demandant des soins d’avortement feraient face à des difficultés.
L’opinion publique se préoccupe souvent de savoir si un gouvernement « rouvrira le débat sur l’avortement », ce qui détourne l’attention des véritables enjeux d’accès qui persistent. Des amendements à une nouvelle loi, pour limiter l’accès, pourraient facilement être présentés au public comme un équilibre raisonnable entre les positions politiques sur l’avortement, sans égard aux réalités des personnes qui ont besoin de ces soins médicaux ou à ce que la science et la recherche nous disent au sujet de l’avortement. La désinformation sur l’avortement est depuis des années l’une des principales tactiques des militant-es anti-choix pour détourner l’attention publique des faits et pour faire avancer des propositions qui nuiraient davantage aux personnes demandant des soins d’avortement au Canada.
Une nouvelle loi qui finirait ensuite possiblement par être abrogée pourrait changer le cours de l’interprétation judiciaire. Si une loi établissant le droit à l’avortement était adoptée et qu’un futur Parlement venait à l’abroger, cela pourrait influencer d’éventuelles interprétations judiciaires de la Charte en ce qui concerne l’avortement. Les tribunaux trancheraient probablement encore en faveur de l’octroi de protections de la Charte aux personnes qui demandent des services d’avortement et à celles qui en fournissent, mais l’abrogation risquerait d’influencer l’interprétation judiciaire des droits génésiques à divers degrés.
Organizational Signatories
Abortion is Healthcare Signs Inc
Abortion Rights Coalition of Canada
Abortion Support Services Atlantic
Action ontarienne contre la violence faite aux femmes
After Sex Ed
AGIR Outaouais
Alberta Abortion Access Network
Alberta Society for the Promotion of Sexual Health
Amnesty International Canada
Assemblée des Groupes de femmes d'Interventions Régionales (Agir)
Birth Mark
Canadian Association of Midwives
Canadian Labour Congress
Canadian Mental Health Association
Canadian Research Institute for the Advancement of Women/ L'Institut canadien de recherches sur les femmes (CRIAW-ICREF)
Canadian Union of Postal Workers (CUPW)
Centre Elizabeth Fry en Outaouais (CEFO)
Centre for Sexuality
Clinic 554
Clinique des femmes de l'Outaouais
Colibri - Centre des femmes francophones
Conseil central des syndicats nationaux de l'Outaouais
Cooperation Canada
Dalhousie Feminist Legal Association
David Asper Centre for Constitutional Rights
Eastern Ottawa Resource Centre | Resource Le Centre des ressources de l’Est d’Ottawa
Ending Violence Association of Canada
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec
Fédération du Québec pour le planning des naissances
FemDev Consulting
FOXY
Halifax Sexual Health Centre
Handmaids' Local 905
IATSE (International Alliance of Theatrical Stage Employees)
Inter Pares
Le Centre Victoria pour femmes
Maison Interlude House
Medical Herstory
Migrant Workers Alliance for Change
Moms at Work
Monthly Dignity
National Abortion Federation Canada
Niagara Reproductive Justice
Oxfam Canada
Planned Parenthood Newfoundland and Labrador Sexual Health Centre
Planned Parenthood Ottawa
Planned Parenthood Toronto
Regroupement Féministe du Nouveau-Brunswick (RFNB)
Saskatoon Abortion Support Network
Sexual Assault Centre Kingston
Sexual Health Nova Scotia
SHORE Centre
So, I had an abortion...
South Shore Sexual Health
SRHR Hubs
The Canadian Feminist Alliance for International Action
The Enchanté Network
The Good Birth Co.
The Obstetric Justice Project
The Victoria Faulkner Women's Centre
Victoria Labour Council
Women's Legal Education and Action Fund (LEAF)
Yukon Status of Women Council
YWCA Canada
Individual Signatories
Beverley Baines, Professor, Faculty of Law, Queen's University,
Suzanne Bouclin, Associate Professor, Faculty of Law (University of Ottawa),
Susan Boyd, Professor Emerita, University of British Columbia,
Karen Busby, Professor of Law, Faculty of Law, University of Manitoba
Gillian Calder, Associate Professor, University of Victoria, Faculty of Law
Angela Cameron, Assistant Prof., University of Ottawa Faculty of Law
Irina Ceric, Assistant Professor, University of Windsor Faculty of Law
Rebecca Cook, Emeritus professor,
Suzie Dunn, Assistant Professor, Dalhousie University
Shelley A.M. Gavigan, Professor Emerita & Senior Scholar, Osgoode Hall Law School, York University
Daphne Gilbert, Professor, University of Ottawa, Faculty of Common Law
Joan Gilmour, Professor Emerita, Osgoode Hall Law School
Martha Jackman, Professor, Faculty of Law, University of Ottawa
Lisa Kelly, Assistant Professor, Queen's University, Faculty of Law
Jennifer Koshan, Professor, Faculty of Law, University of Calgary
Kathleen Lahey, Patricia Monture Distinguished University Professor, Queen's University Faculty of Law
François Larocque, Professeur titulaire, Université d'Ottawa, Faculté de droit, Section de common law
Sonia Lawrence, Associate Professor, Osgoode Hall Law School, York University,
Hester Lessard, Professor Emerita, University of Victoria Faculty of Law
Errol Mendes, Professor of Law, Faculty of Law, University of Ottawa, Canada
Mary Jane Mossman, Retired law professor,
Roxanne Mykitiuk, Professor, Osgoode Hall Law School
Val Napoleon, Acting Dean and Professor, Faculty of Law, University of Victoria
Paul Ocheje, Professor, University of Windsor
Debra Parkes, Professor and Chair in Feminist Legal Studies, Peter A. Allard School of Law, University of British Columbia
Karen Pearlston, Professor of Law, University of New Brunswick
Elizabeth Pickett, Ass Prof, Dept of Law, Carleton University (Ret)
Cintia Quiroga, Assistant Dean, University of Ottawa
M Randall, Professor, Faculty of Law, Western
Joshua Sealy-Harrington, Assistant Professor, Lincoln Alexander School of Law at Toronto Metropolitan University
Elizabeth Sheehy, Professor Emerita, University of Ottawa, Faculty of Law
Penelope Simons, Professor and Gordon Henderson Chair in Human Rights, Faculty of Law (Common Law Section), University of Ottawa
Lucinda Vandervort, Professor, University of Saskatchewan/College of Law
Wanda Wiegers, Professor, College of Law, University of Saskatchewan
Margot Young, Professor, UBC, Allard School of Law