Par Kelly Bowden, directrice des politiques et du plaidoyer chez Action Canada pour la santé et les droits sexuels
Cette semaine, le Gouvernement de la Colombie-Britannique a posé un geste historique en devenant la première province du Canada à offrir une couverture universelle sans frais pour la contraception sur ordonnance.
La décision de la C.-B. survient à un moment où les Canadien·ne·s attendent depuis longtemps que se réalise la promesse d’un régime national d’assurance médicaments – une initiative qui pourrait soutenir la santé sexuelle de tous les individus au pays, et pas seulement de ceux des provinces où l’on a pris la décision audacieuse de la prioriser.
Le Canada est le seul pays au monde à offrir des soins de santé universels sans avoir un régime national d’assurance médicaments. En conséquence, un·e Canadien·ne sur cinq n’a pas d’assurance médicaments ou ne bénéficie pas d’une couverture suffisante, dans le système actuel.
Le gouvernement fédéral s’est engagé à adopter une loi sur l’assurance médicaments au Canada d’ici la fin de 2023 et à établir un formulaire national – mais pendant que nous attendons que cela se concrétise, de nombreux·ses Canadien·ne·s sont laissé·e·s sans couverture adéquate alors qu’il s’agit d’un droit humain fondamental.
Le coût est particulièrement déterminant dans le choix de la méthode contraceptive. Les formes de contraception les plus couramment utilisées au Canada sont la pilule contraceptive, les condoms et la méthode du retrait – les méthodes les moins chères, qui ont également un taux d’échec plus élevé.
Faut-il s’étonner que près de 50 % des grossesses au Canada soient non intentionnelles? Lorsqu’une personne doit choisir entre dépenser des centaines de dollars en contraception ou payer les coûts croissants de l’épicerie ou du loyer, elle optera pour la méthode contraceptive qu’elle peut se permettre et qui lui est accessible, même si ce n’est pas la plus efficace ou la mieux adaptée à son corps.
La décision de la C.-B. a amené certaines personnes à répondre qu’elles ne veulent pas payer pour la vie sexuelle des autres. Alors voici un rappel à la réalité : nous le faisons déjà. Les grossesses non intentionnelles et les infections transmissibles sexuellement coûtent chaque année des sommes considérables aux systèmes de santé.
Même si les études de coûts varient, une estimation montre que la fourniture de contraceptifs à travers le pays coûterait environ 261 millions $ par an, mais qu’elle générerait des économies de près de 320 millions $ – seulement en coûts médicaux directs des grossesses non intentionnelles. Fournir une contraception universelle gratuite sur ordonnance comme l’a fait la Colombie-Britannique permettrait au pays d’économiser environ 59 millions $ par an.
La couverture universelle de la contraception est non seulement essentielle pour permettre aux personnes qui peuvent devenir enceintes d’avoir le plein contrôle de leur vie et de leur corps : elle est également judicieuse du point de vue financier.
À l’heure actuelle, de nombreuses personnes au Canada ont accès à une certaine forme de contraception par le biais d’une assurance privée ou de programmes humanitaires provinciaux qui visent à fournir gratuitement des services à certaines populations. Le hic : ces politiques disparates limitent souvent les options disponibles et laissent sans couverture des personnes qui ont un emploi plus précaire (p. ex., dans l’industrie des services) ou n’ont aucune assurance. Le système actuel ne fonctionne pas non plus pour une jeune personne qui est couverte par l’assurance de ses parents mais qui ne peut pas parler de son activité sexuelle avec eux, ni pour une personne qui vit de la violence de la part d’un·e partenaire intime et qui ne peut pas négocier l’utilisation de la contraception.
Un système universel gratuit offre aux personnes le plein contrôle de leur propre corps, de leur choix de méthode contraceptive, et en fin de compte, de la décision d’avoir ou non des enfants et si oui, à quel moment.
Le gouvernement canadien a le devoir de protéger le droit de tous les individus de choisir la contraception qui leur convient, peu importe leur province de résidence ou leur solde en banque.
La Colombie-Britannique fait preuve d’un leadership audacieux en l’absence de progrès au fédéral. Il serait bon que d’autres provinces fassent de même. En même temps, alors que nous célébrons cette victoire pour les résident·e·s de la C.-B. et que nous aspirons à ce que d’autres provinces adoptent des programmes similaires, il demeure crucial d’avancer vers l’adoption d’une approche universelle, complète et à payeur unique, en matière d’assurance médicaments, qui priorise l’accès équitable à toutes les options de contraception pour l’ensemble des personnes au Canada, peu importe la province ou le territoire.