#NousLesÉtudiantsNeConsentonsPas : Mobiliser les étudiant-es dans la lutte pour l’éducation sexuelle complète
Par Madyson Arscott
En 2018, des élèves du secondaire en Ontario ont quitté leurs salles de classe pour protester contre les propositions de recul du programme d’éducation sexuelle de la province. Un petit groupe s’est rapidement transformé en milliers de personnes et l’affaire a fait la manchette nationale. Madyson Arscott a créé le mot-clic #WeTheStudentsDoNotConsent (« #NousLesÉtudiantsNeConsentonsPas ») pour rallier les étudiant-es par les médias sociaux – ce qui a eu un impact déterminant sur l’ampleur du mouvement. Ce simple slogan est devenu un symbole de la lutte pour une éducation sexuelle inclusive et complète à l’échelle du pays. Madyson nous explique ici sa définition d’une bonne éducation sexuelle et pourquoi il était important d’en faire valoir la nécessité.
En 2018, le Gouvernement de l’Ontario dirigé par le premier ministre Doug Ford a décidé de retirer la plus récente version du programme d’éducation sexuelle pour la remplacer par celle de 1998, en partie à cause de croyances selon lesquelles le nouveau programme était « scandaleux » ou risquait de « corrompre » les enfants.
Or, entre autres lacunes, le programme de 1998 n’abordait pas la cyberintimidation ou les relations queer – ce qui était devenu désuet en 2018. Les gens autour de moi communiquaient en ligne et exploraient leurs identités. Nous avions besoin d’un programme d’éducation sexuelle inclusif, actualisé et adapté aux réalités actuelles d’un-e jeune ou de toute autre personne.
L’importance d’une éducation sexuelle complète
Quand j’ai vu les changements proposés au programme d’éducation sexuelle, j’ai eu un choc. Comme j’étais en train d’explorer mon identité de genre et ma sexualité, le contenu de l’éducation sexuelle était déjà plutôt rudimentaire. On y consacrait environ deux semaines et, malgré la tentative du gouvernement provincial précédent de le moderniser en 2015, son message se résumait encore à « reste abstinent-e ou tu deviendras enceinte et tu mourras ». Par conséquent, un retour au programme de 1998 – c’est-à-dire avant même la naissance de la cohorte d’élèves à laquelle il s’adressait – aurait certainement mis des gens en danger.
Ce qu’on ne leur enseigne pas en classe, les élèves l’apprennent d’autres sources. Les personnes qui s’opposaient à la version actualisée du programme et qui la jugeaient « trop explicite » n’ont pas compris que si les élèves n’ont pas accès à un enseignement sûr, sain et positif, ils et elles trouveront ailleurs des informations qui ne sont pas forcément sécuritaires, exactes ou affirmatives.
Un programme qui représente tout le monde et qui veille à ce que chacun-e se sente inclus-e aide aussi à maintenir l’engagement des élèves. Personne n’a envie d’une discussion qui ne l’inclut pas et qui n’est pas habilitante. Cela vaut pour l’éducation sexuelle autant que pour l’histoire et les sciences sociales, qui sont souvent enseignées de manière inexacte ou incomplète – ce qui a pour effet de transmettre des idées biaisées ou déformées à toute une génération.
Pourquoi résister?
Plusieurs personnes m’ont demandé pourquoi je trouvais important de protester contre les changements proposés au programme d’éducation sexuelle, alors que j’étais sur le point de terminer mes études. Les gens qui nous ont précédé-es se sont battus pour leurs droits et nous devons en faire autant. Pour moi, c’est vrai à la fois comme personne queer et comme Autochtone. Si personne n’agit, d’autres enfants subiront la même chose que moi dans le système scolaire public. Je ne pouvais pas me douter que le mouvement irait aussi loin, mais je savais que je devais faire quelque chose.
Message et mobilisation
Autre défaut majeur du programme de 1998 : il ne mentionnait aucunement le consentement – un sujet pourtant primordial. Lorsque je parle avec mes ami-es et avec d’autres jeunes, le thème du consentement revient constamment. L’éducation sexuelle n’est pas seulement une question de sexe : c’est apprendre aux jeunes comment naviguer dans le monde.
En réfléchissant à différents moyens d’agir, j’ai fini par penser à un mot-clic. Cela me semblait logique, car les médias sociaux sont un outil très puissant : la plupart des gens y sont présents et tout le monde peut y avoir une plateforme, petite ou grande. Lorsque vous partagez quelque chose dans les médias sociaux, vos dix abonné-es savent à présent quelque chose qu’ils ou elles ignoraient peut-être avant. On a donc l’impression de poser un geste concret.
Ma mère m’a conseillé de garder ça simple et de m’assurer que le mot-clic tienne en une phrase : c’est ainsi que j’ai trouvé #WeTheStudentsDoNotConsent (« #NousLesÉtudiantsNeConsentonsPas »). Ces mots puissants indiquaient que les étudiant-es étaient en colère et ne voulaient pas de ce changement qui leur enlèverait le peu qu’ils et elles avaient.
L’utilisation d’un mot-clic ou la publication d’un message dans les médias sociaux peut sembler un bien petit geste. Je sais que beaucoup de gens se sentent impuissants en tant qu’individus, mais on voit aujourd’hui des mouvements entiers s’organiser par les médias sociaux et cela démontre qu’on peut avoir un plus grand impact en tant qu’individu.
L’importance de la persévérance et de la patience
Après les débrayages et les protestations à l’échelle provinciale, le Gouvernement de l’Ontario a finalement fait marche arrière sur son projet de régression de l’éducation sexuelle, et j’ose croire que le mouvement #NousLesÉtudiantsNeConsentonsPas a compté dans cette décision.
Aux autres jeunes qui essaient de susciter des changements dans leur école ou leur communauté, je conseillerais d’être certain-es de leur message et de ce qu’ils ou elles veulent communiquer. Quels changements demandez-vous? Assurez-vous d’avoir toute l’information nécessaire. En tant que jeune qui a des opinions et des choses à dire, on risque de se heurter à la résistance et au rejet d’adultes.
Il y a aussi un conseil de ma mère que je n’ai jamais oublié. J’envoyais des courriels à des politicien-nes pour tenter de trouver des solutions au problème de l’itinérance, pendant mon hospitalisation. Ma mère m’a alors dit : « Madyson, avant de pouvoir sauver le monde, tu dois te sauver toi-même. » Les problèmes seront encore là demain et le surlendemain. Ça peut être épuisant, mais il est normal de prendre des pauses pour s’occuper de soi. Peut-être que des gens ne voudront pas vous écouter, mais au bout du compte, avec de la patience et de la persévérance, vous réussirez à vous faire entendre.
Agissez!
Joignez-vous à la conversation : cliquez ici pour télécharger notre Trousse d’outils pour les médias sociaux, et aidez à faire valoir l’importance du plaidoyer pour créer un monde où chacun-e peut être en bonne santé et s’épanouir!