La campagne #EmptyChairs (#ChaisesVides) : mobilisation pour un conseil du peuple
Les deux dernières années nous ont servi des leçons sur l’importance de la solidarité mondiale. La pandémie a démontré notre degré d’interconnexion et la nécessité d’une solidarité, d’une coopération et d’une collaboration mondiales pour répondre aux enjeux de droits humains à l’échelle internationale – de l’inégalité vaccinale jusqu’à la crise climatique.
Le Conseil des droits de l’homme est un organe intergouvernemental de droits humains du système des Nations Unies qui a pour objectifs de renforcer la promotion et la protection de ces droits dans le monde, de lutter contre leurs violations et de formuler des recommandations. Les militant-es l’utilisent pour promouvoir un ordre du jour progressiste où les droits contribuent à la justice sociale pour tou-te-s, pour attirer l’attention sur la situation dans leur pays et pour exiger une responsabilisation. En tant que lieu de rencontre central où des gens du monde entier peuvent discuter des droits humains – et l’un des derniers recours pour de nombreux(-ses) militant-es confronté-es à des risques, à des restrictions ou à une criminalisation de leur travail au palier national – le Conseil des droits de l’homme joue un rôle crucial dans l’avancement de la justice et de l’équité dans le monde.
Cependant, le Conseil est loin de remplir tous ses objectifs. La participation à ses travaux est très difficile, même pour les militant-es qui ont l’habitude de naviguer dans les espaces de l’ONU. Cela a toujours été le cas, mais la participation est devenue encore moins accessible en 2020, en raison des mesures sanitaires et des restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19. C’est particulièrement vrai pour les personnes du Sud et celles qui ne font pas partie d’organismes « élites » ou dotés de suffisamment de ressources.
C’est ici que la campagne #EmptyChairs (#ChaisesVides) entre en jeu. Créée en 2020 par une coalition de militantes féministes qui se sont unies pour demander un système des droits humains dirigé par le peuple, la campagne vise à attirer l’attention sur l’existence de chaises vides dans les espaces de l’ONU, qui occasionnent un manque d’analyses et d’expertises importantes. Par des efforts audacieux de plaidoyer et de campagne, des pressions sur les États et le renforcement de la solidarité, la campagne #EmptyChairs demande la création d’un conseil du peuple – un organe de droits humains dirigé et détenu par des personnes ordinaires du monde entier pour établir un ordre du jour et prendre des décisions qui seront soutenues et mises en œuvre par les dirigeant-es politiques.
Une grande partie du travail consiste à améliorer l’accès. Pour participer au Conseil des droits de l’homme, les gens doivent s’inscrire par l’intermédiaire d’organismes non gouvernementaux (ONG) qui répondent à certains critères, puis être approuvés par de nombreux comités. C’est un espace très centré sur l’État, qui n’est pas très convivial aux individus. Des personnes qui travaillent à l’échelon national et qui pourraient vouloir parler de leur vécu de violations de droits humains n’ont pas leur mot à dire si elles ne sont pas en mesure de contourner ce processus d’inscription et d’approbation complexe. Le conseil du peuple demandé par la campagne #EmptyChairs offrirait un espace décisionnel où des personnes du monde entier, quels que soient leur position et leurs contacts, pourraient contribuer à l’ordre du jour des droits humains à l’échelle mondiale.
Cela dit, une place à la table n’est pas toujours garante d’une participation égale. Si de nombreux(-ses) militant-es de la campagne #EmptyChairs obtiennent l’accès au Conseil des droits de l’homme, leur présence dans la salle n’assure pas leur participation. Afin de participer de manière significative, il faut disposer des ressources nécessaires pour réfléchir, parler et exprimer son désaccord librement et en toute sécurité, et pour être entendu-e par les décideur(-euse)s.
On peut également se demander si les personnes qui ont accès au Conseil en font assez pour ouvrir l’espace aux autres. Il est essentiel de créer de l’espace pour un conseil du peuple. Le Nord est surreprésenté dans les espaces de droits humains de l’ONU comme le Conseil des droits de l’homme. Par conséquent, les inégalités et les structures coloniales sont largement reproduites au sein de ce système. C’est pour cette raison que le leadership de personnes, de militant-es et d’organismes du Sud est si important. La campagne #EmptyChairs veut trouver des moyens de faire de cet objectif une réalité.
En ouvrant l’accès au Conseil des droits de l’homme à un plus grand nombre de personnes et d’organismes du Sud, on fera en sorte qu’ils et elles ne soient pas représenté-es par des étranger(-ère)s qui ne comprennent pas forcément leurs problèmes. Les organismes du Nord ont tendance à tourner leur plaidoyer vers le Sud et à vouloir « réparer » la vie des gens, au lieu de faire pression sur leurs propres gouvernements pour qu’ils respectent les principes des droits humains.
Le Canada en est un bon exemple. Bien qu’il aime projeter l’image d’un pays progressiste ayant une approche de travail féministe dans les espaces mondiaux, le gouvernement canadien n’applique pas toujours les normes qu’il prône. Par exemple, il empêche des militant-es d’autres régions du monde de participer au système des droits humains en restreignant l’accès aux vaccins nécessaires pour se rendre à Genève. Même si le Canada finance dans une certaine mesure des organismes féministes du Sud, ces fonds s’accompagnent souvent de lourdes exigences qui créent des obstacles pour les plus petits organismes et regroupements dont le travail est crucial. Pour faire avancer les droits humains à l’échelle planétaire, les militant-es du Sud doivent avoir une place à la table et recevoir des fonds non affectés, et les pays du Nord doivent reconnaître leur responsabilité dans les restrictions qu’ils imposent aux droits humains dans le monde.
Les militant-es de la campagne #EmptyChair veulent rendre des espaces restrictifs comme le Conseil des droits de l’homme accessibles à tou-te-s. Ils et elles tentent de transformer le système pour créer un nouvel espace de rencontre mondial par et pour le peuple afin de faire avancer la justice et les droits humains conformément aux volontés du peuple.
Lisez le manifeste #EmptyChairs, voyez comment et pourquoi les militant-es demandent des changements et prenez votre place au sein du Conseil du peuple ici!
Agissez!
Demandez à votre député-e et à la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, de financer la participation des militant-es et des défenseur(-euse)s du Sud dans les espaces de plaidoyer mondiaux.