Ce que les jeunes personnes veulent et ce dont elles ont besoin en matière d’éducation à la sexualité

Nous savons que les jeunes personnes veulent recevoir une éducation à la sexualité en milieu scolaire. Plusieurs études le démontrent clairement. Ces recherches indiquent également ce à quoi les jeunes personnes considèrent que l’éducation à la sexualité devrait ressembler.

Au-delà des normes nationales et internationales, une considération cruciale devrait guider la conception de tout programme et/ou cours d’éducation à la sexualité : les besoins signalés par les jeunes personnes et ce dont elles veulent entendre parler. Nous incitons vivement les gouvernements et les personnes enseignantes à impliquer de manière significative de jeunes personnes dans la conception de toute politique ou de tout programme qui les concerne.

Les sondages, les études novatrices (dont certaines sont réalisées par des jeunes), le journalisme d’enquête et les expert-es peuvent également nous apporter des perspectives importantes et intéressantes sur les réalités de l’enseignement de l’éducation à la sexualité et de l’apprentissage de celle-ci.

Vous êtes chercheur-e? Faites-nous part de vos plus récents résultats et rapports sur des enjeux pouvant influencer le développement et la prestation de l’éducation à la sexualité, à cse@actioncanadashr.org.

Les jeunes veulent en savoir plus sur les relations saines

« Les jeunes personnes demandent plus que de savoir d’où viennent les bébés ou comment mettre un condom. Elles veulent acquérir les compétences nécessaires pour amorcer et cultiver des relations saines, affectueuses, satisfaisantes et mutuellement respectueuses. » (Projet Making Caring Common, 2017).

Le projet Making Caring Common est une étude pluriannuelle de l’École supérieure des sciences de l’éducation de Harvard. Nous n’avons pas encore d’études de ce type au Canada, mais les données recueillies aux États-Unis sont très informatives. L’étude Making Caring Common a sondé plus de 3 000 jeunes adultes et élèves d’écoles secondaires, dans plusieurs régions du pays, et a recueilli des perspectives au moyen d’interviews formelles et de conversations informelles. Les chercheur-es ont également discuté avec des adultes qui exercent des rôles clés auprès des jeunes, notamment des parents, des personnes enseignantes, des entraîneur-es de sport et des conseillers et conseillères. Les résultats devraient éclairer l’éducation en matière de sexualité et de santé sexuelle que nous offrons aux jeunes personnes. Les chercheur-es ont conclu que :

  • Un nombre considérable d’adolescent-es et de jeunes adultes sont mal préparé-es à des relations romantiques affectueuses et durables, et ressentent de l’anxiété à l’idée de développer de telles relations. Les parents, personnes enseignantes et autres adultes leur offrent peu de conseils, voire aucun, à propos du développement de telles relations.
  • La misogynie et le harcèlement sexuel semblent répandus, chez les jeunes personnes, et certaines formes de violence fondée sur le genre sont en hausse, mais la grande majorité des parents ne discutent pas de ces sujets avec leurs jeunes.
  • La recherche démontre que les taux d’agression sexuelle sont élevés, parmi les jeunes. La plupart des parents et des personnes enseignantes ne parlent pas de consentement avec les jeunes.

L’acquisition des compétences nécessaires à cultiver des relations saines (amitiés, rencontres d’un soir ou relations romantiques) est essentielle à une santé optimale et au bien-être – et elle passe par l’éducation à la sexualité.

Les jeunes veulent un contenu spécifique aux personnes LGBTQ+

Les jeunes veulent une éducation à la sexualité qui soit inclusive des enjeux LGBTQ+ – ce qui inclut de l’information sur les relations queer et le sexe queer, et des renseignements sur la santé sexuelle pertinents aux élèves trans. Les jeunes veulent plus qu’une discussion sur le respect des différences, comme s’il n’y avait aucun-e élève LGBTQ+ dans la classe. Ils et elles désirent une éducation à la sexualité qui reflète leur diversité et qui fournit à tous et à toutes, et pas seulement à certain-es, ce dont ils et elles ont besoin pour prendre soin de leur santé.

De 2006 à 2009, Planned Parenthood Toronto et d’autres organismes de première ligne du secteur de la santé à Toronto ont collaboré avec des chercheur-es de l’Université York à recueillir des perspectives sur les aptitudes et la compétence des jeunes quant à l’information sur la santé sexuelle.

Voici certaines de leurs recommandations clés concernant l’éducation à la sexualité :

  • Fournir une éducation à la santé sexuelle qui soit inclusive de toutes les identités de genre et de toutes les orientations sexuelles.
  • Développer des programmes d’éducation à la santé sexuelle, et des formations pour les personnes enseignantes, qui abordent l’homophobie, la transphobie et d’autres enjeux spécifiques aux jeunes LGBTQ.
  • Intégrer dans les programmes d’éducation à la santé sexuelle des informations positives à l’égard des personnes LGBTQ, en ce qui concerne les relations saines, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, le plaisir sexuel et la communication.
  • Offrir de l’information et une éducation continue sur les enjeux liés à la santé sexuelle dans un large éventail de formules éducatives, au-delà des classes conventionnelles d’éducation physique et de santé.

Afin que les jeunes LGBTQ jouissent des mêmes bienfaits de santé que leurs pair-es non LGBTQ, les programmes d’éducation à la sexualité doivent englober les enjeux LGBTQ. Des programmes inclusifs aident les jeunes à comprendre l’identité de genre et l’orientation sexuelle à l’aide d’informations appropriées à l’âge et médicalement exactes; intègrent des exemples positifs d’individus, de relations romantiques et de familles LGBTQ; soulignent la nécessité de moyens de protection lors des relations sexuelles pour les personnes de toutes les identités; et déboulonnent des mythes et stéréotypes répandus sur les comportements et l’identité.

L’organisme Youth Co, établi en Colombie-Britannique et dirigé par et pour les jeunes, est arrivé à des conclusions semblables dans son sondage de 2018 auprès de 600 jeunes. Le sondage a demandé à des jeunes personnes LGBTQ ce qu’elles apprennent dans leurs cours d’éducation à la sexualité et ce qu’elles souhaiteraient apprendre; la réponse suivante est revenue maintes fois : « Les jeunes queer et trans ont besoin d’une éducation à la sexualité qui s’applique à leurs vies sexuelles. »

Le rapport du sondage démontre clairement que trop de jeunes personnes de la C.-B. ne reçoivent pas l’éducation à la sexualité dont elles ont besoin pour prendre des décisions éclairées. Cette conclusion coïncide avec ce que les jeunes de plusieurs milieux disent de leur éducation sexuelle : le contenu qui leur est livré doit être meilleur, plus pertinent, plus uniformisé, plus affirmatif et plus intéressant. Les jeunes personnes interrogées ont signalé la nécessité que le contenu de l’éducation à la sexualité inclue des informations sur les corps et les identités de tous les individus, y compris les jeunes LGBTQ2S+. Les leçons doivent également reconnaître la diversité des expériences liées au plaisir sexuel et offrir aux jeunes personnes un arrimage aux soins dont elles ont besoin en matière d’ITS, de VIH et d’agression sexuelle.

Les jeunes personnes ont également signalé que les personnes enseignantes ne sont pas toujours familières et à l’aise avec les différentes façons dont les jeunes expriment leur genre et leur sexualité. Le rapport indique que, dans plusieurs cas, les personnes enseignantes sont inconfortables et gênées par le sujet et supposent que tous les élèves sont cisgenres et hétérosexuel-les.

Ce projet démontre que les jeunes personnes sont emballées et motivées à l’idée de façonner leur programme d’éducation à la sexualité.

« Les choses évoluent constamment et les jeunes devraient être consulté-es à chaque étape. »
– Participant-e au sondage de YouthCo

Les jeunes veulent des interventions intéressantes, misant sur le jeu, pour briser la glace et répondre à leurs questions sur le sexe

À l’automne 2018, l’Université du Québec à Montréal et la Fédération du Québec pour le Planning des Naissances ont publié un rapport de recherche intitulé Promouvoir des programmes d’éducation à la sexualité positive, inclusive et émancipatrice. Ce rapport présente une analyse de multiples études, y compris des interviews auprès de plus de 6 000 jeunes personnes sur l’éducation à la sexualité qu’elles veulent et celle qu’elles reçoivent. Plusieurs résultats clés confirment les conclusions d’autres études concernant ce que les jeunes personnes veulent et ce dont elles ont besoin. Voici quelques points saillants.

Il existe un clivage entre les volontés des adultes qui élaborent les programmes d’éducation à la sexualité et celles des jeunes personnes à qui l’on enseigne. Les adultes veulent protéger les jeunes contre les ITS, la violence, la cyberintimidation, l’agression sexuelle, etc. Les jeunes personnes (qui ne sont souvent pas consultées dans l’élaboration des programmes) veulent savoir comment fonctionnent le sexe et les relations. Elles veulent des connaissances techniques explicites sur les pratiques sexuelles. Elles veulent discuter des relations. Elles veulent savoir comment rompre avec quelqu’un, comment dire à une personne qu’elles l’apprécient, et comment donner du plaisir à leurs partenaires. Les messages de prévention des ITS sont importants; mais si nous ne répondons pas aux questions des jeunes personnes, ou si nous ne tentons pas d’établir des liens entre les deux concepts, il est possible que l’information ne soit pas assimilée.

Une grande partie de l’éducation sexuelle que les jeunes personnes reçoivent vise à prévenir les résultats négatifs. Rares sont les personnes enseignantes qui soulignent que la sexualité peut être positive, joyeuse, confortable et habilitante. Sans un tel équilibre entre les risques et les avantages, nous perdons l’occasion de participer à la création d’une culture de consentement et de joindre de jeunes personnes curieuses et avides d’informations cruciales pour avoir une vie saine.

Deux autres points clés du rapport prennent la forme de recommandations aux personnes enseignantes et aux intervenant-es en éducation à la sexualité :

  • Les élèves ont besoin que les personnes enseignantes brisent la glace pour discuter de sexe et de relations. Ils et elles doivent se sentir connecté-es à la personne enseignante et à leurs pair-es. Des jeux et une approche ludique sont un moyen d’y arriver. Le côté amusant est souvent absent des cours d’éducation à la sexualité, ce qui signifie que nous ratons des occasions de partage plus ouvert et honnête sur ce à quoi les jeunes pensent, ce qu’ils et elles veulent savoir, ont vécu et ont besoin d’exprimer. Les jeux de société, les jeux de cartes, les exercices brise-glace, les activités qui font bouger, les jeux-questionnaires, les questions à choix multiples, les approches loufoques et les plaisanteries nous offrent des portes d’entrée.
     
  • Afin de fournir une éducation à la sexualité qui soit positive, habilitante et inclusive, une des mesures les plus importantes pour les personnes enseignantes est d’examiner leurs propres valeurs et présupposés. Même si une personne enseignante connaît bien le contenu, il est crucial qu’elle réfléchisse à ses valeurs et expériences personnelles en lien avec la sexualité. C’est la seule façon de présenter le contenu d’une façon qui permette à différentes personnes de s’y reconnaître. La clé est d’être capable de stimuler la réflexion, l’empathie et la pensée critique, tant en nous que chez nos élèves.

Les jeunes veulent aussi entendre parler des bons côtés

Une approche à la santé sexuelle équilibrée, qui va au-delà des risques pour inclure les aspects positifs de la sexualité et des relations – comme le plaisir, l’intimité et toutes les raisons pour lesquelles les gens peuvent désirer des relations sexuelles – aide les jeunes à mieux comprendre en quoi consiste la sexualité saine.

À l’issue d’interviews approfondies, détaillées et répétées auprès de 70 jeunes femmes et d’un vaste éventail de psychologues, d’universitaires et d’expert-es, Peggy Orenstein a publié le livre « Girls and Sex », qui explore les façons dont les filles et les femmes sont affectées par notre discours au sujet du sexe. Les nouveaux médias (y compris la pornographie et les médias sociaux), combinés à des mythes sexuels persistants (p. ex. : les hommes cherchent les occasions sexuelles et les femmes en sont les gardiennes) et à des scripts sur le déroulement des relations sexuelles (p. ex. : les hommes font les premiers pas, les femmes doivent satisfaire leurs hommes, etc.), ont des impacts considérables sur la sexualité des jeunes. L’auteure a constaté que l’absence de représentation authentique de la sexualité des femmes, de leur agentivité et de leur plaisir joue un rôle majeur dans la violence sexuelle. Notre façon de parler de sexe sans jamais aborder le plaisir (en particulier le plaisir féminin) fait en sorte que plusieurs jeunes femmes s’attendent à avoir des relations sexuelles douloureuses et à en tirer peu de plaisir personnel, voire aucun. Ceci souligne l’importance de parler des aspects positifs de la sexualité dans notre enseignement de l’éducation sexuelle.

Les jeunes personnes veulent des informations d’actualité sur les enjeux qu’elles rencontrent

L’information dont les jeunes personnes ont besoin peut changer à tout moment. Pour que l’éducation à la sexualité demeure pertinente, elle doit être sensible à ces changements.

La façon dont les jeunes personnes parlent entre elles est un exemple. Il est essentiel de se tenir au courant de ce qui est important, significatif ou préoccupant pour les jeunes. On peut le faire notamment en consultant des jeunes pour s’assurer que le contenu enseigné leur correspond.

Mais cela ne se limite pas au langage. Il est important de rester à l’affût des tendances sociales. En 2018, une étude australienne intitulée From Girls to Men: Social attitudes to gender equality in Australia a révélé que les hommes millénariaux (nés entre 1982 et 2000) sont à la pointe d’une tendance opposée à l’égalité des genres. Ce fait est important à connaître, car il va à l’encontre de la croyance répandue selon laquelle le sexisme et la misogynie diminuent d’une génération à l’autre. L’étude a démontré que des hommes millénariaux dirigeaient le « mouvement pour les droits des hommes » qui s’oppose vivement à l’égalité des genres. Elle a également signalé que l’adoption de valeurs plus traditionnelles liées aux rôles de genres était associée à l’appartenance à des communautés en ligne de suprématie blanche et de « droite alternative » à prédominance masculine.

Les sous-cultures misogynes et racistes sur Internet ont contribué à la montée de ces idéologies et à leur influence politique grandissante. L’inégalité des genres, les normes de genre rigides, la violence fondée sur le genre et les scripts sexuels sexospécifiques que ces groupes valorisent ont de graves conséquences sociales et de santé – en particulier pour les femmes, les personnes de couleur et les personnes LGBTQ+. Il est d’autant plus important que l’éducation à la sexualité inclue des leçons sur le sexisme, la misogynie et les dynamiques de pouvoir.

Les jeunes veulent que les personnes enseignantes pensent à l’accessibilité

Pour être réceptives aux besoins des élèves et fournir des leçons pertinentes, les personnes enseignantes doivent tenir compte des différents obstacles possibles à l’apprentissage.

Par exemple, les élèves autistes ne reçoivent pas une éducation sexuelle de qualité équivalente en raison de la structure de leurs plans de cours. Plusieurs personnes enseignantes présentent les leçons d’éducation à la sexualité en fin d’année scolaire, ce qui laisse peu de temps pour montrer l’exemple ou pour répondre à des questions en suspens. Ce ne sont là que deux des nombreux obstacles possibles à l’éducation sexuelle. Les autres besoins à considérer incluent de joindre les élèves LGBTQ+ (même si nous ne savons pas quel-les élèves s’identifient ainsi), les élèves de couleur, les élèves ayant différents handicaps physiques et différentes appartenances religieuses ou identités culturelles, etc. Nos leçons devraient joindre tout le monde de manière équitable.

Les jeunes veulent des personnes enseignantes à l’aise et confiantes

Les jeunes ont besoin de personnes enseignantes qualifiées pour enseigner l’éducation à la sexualité; or plusieurs d’entre elles sont nerveuses ou mal préparées à enseigner cette matière. Lorsqu’elles le font, elles craignent d’aborder tout ce qui dépasse le sujet des risques de l’activité sexuelle. Ceci est dû à leur propre sentiment de manquer de connaissances, de compétences, de confiance et d’aisance à l’égard de l’éducation à la sexualité. Cette situation illustre le manque de ressources financières et de soutiens pratiques pour les personnes enseignantes qui se voient confier la tâche d’éduquer les jeunes sur la sexualité et la santé sexuelle.

Une recherche canadienne a révélé que, même si les personnes enseignantes reconnaissent l’importance de l’éducation à la sexualité, elles se sentent moins capables et moins à l’aise d’enseigner une gamme de sujets s’y rattachant, voire moins disposées à le faire. Même les personnes enseignantes qui ont suivi une formation pertinente ne se sentent pas adéquatement préparées et ont besoin d’une formation théorique et pratique plus étoffée que celle qui leur est présentement offerte.

Lors de consultations auprès de personnes enseignantes, Action Canada a constaté qu’elles sont particulièrement préoccupées par les divergences d’opinions en classe et par la possible opposition de l’administration de l’école ou de parents, alors qu’elles n’ont pas l’information et la formation nécessaires pour y répondre. C’est pourquoi Action Canada intervient auprès d’élu-es, non seulement pour réformer les programmes éducatifs, mais également pour faire en sorte que leurs stratégies accordent un soutien et un financement adéquats à l’éducation à la sexualité.

Mis à jour le 2019-07-23
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